Déploiement dynamique : entre théorie et terrain

Déploiement dynamique : entre théorie et terrain

17-07-2025 : English version follows the French

Note de l’auteur

Ceci est le premier article d’une série de six, présentée sur une période de six semaines, consacrée à la répartition médicale d’urgence et aux mécanismes parfois invisibles du déploiement dynamique.

Chaque semaine, nous explorerons un aspect de ce système tel qu’il est censé fonctionner — dans un monde idéal — et tel qu’il fonctionne réellement, sur le terrain comme dans les Centres de communication santé.

De la modélisation algorithmique aux réalités vécues par les répartiteurs et les paramédics, cette série s’intéresse à l’écart croissant entre les promesses d’efficacité et les conséquences humaines de leur mise en œuvre.

Peut-être que cet écart n’est pas si grand qu’il ne puisse être comblé. Cette série proposera des pistes de solution, en plus d’examiner les critiques formulées à l’égard du modèle actuel.


Partie 1 : C’est quoi, le déploiement dynamique?

Imaginez un système d’ambulances qui bouge comme un échiquier — sauf que les joueurs ne restent pas immobiles en attendant qu’un appel d’urgence arrive. Ils sont déjà en mouvement, se repositionnant en temps réel pour anticiper le prochain appel au 9-1-1. C’est, en résumé, la logique derrière le déploiement dynamique, une stratégie utilisée dans plusieurs services médicaux d’urgence (SMU) en Amérique du Nord afin de réduire les délais de réponse et d’optimiser l’utilisation des ressources.

Contrairement au modèle traditionnel où les ambulances retournent à une caserne fixe après chaque appel, le déploiement dynamique est une approche fluide et fondée sur les données, qui vise à positionner les véhicules disponibles aussi près que possible de l’endroit où l’on pense que le prochain appel surviendra.


Comment ça fonctionne

Le déploiement dynamique repose essentiellement sur des systèmes de répartition assistée par ordinateur (RAO) et sur l’analyse des données historiques d’appels. Ces outils permettent d’estimer à quel endroit et à quel moment les appels au 9-1-1 sont le plus susceptibles d’être lancés. En se basant sur ces prédictions, le système recommande des points d’attente — aussi appelés zones de déploiement — où les ambulances peuvent se positionner entre deux appels.

Par exemple, si une certaine intersection génère régulièrement un volume élevé d’appels le vendredi soir entre 18 h et 22 h, le système pourrait recommander de positionner une ambulance à proximité pendant cette période. Ces lieux ne sont pas choisis au hasard — ils sont calculés de façon algorithmique afin de maximiser la couverture du territoire et la proximité de la demande.

Les répartiteurs jouent un rôle central. Même si le logiciel suggère un repositionnement, c’est le répartiteur qui prend la décision finale, la communique à l’équipe sur la route et adapte les consignes en fonction des imprévus.

Dans un scénario idéal, le déploiement dynamique permet des temps de réponse plus courts, une meilleure distribution des ressources, et une diminution du temps d’attente entre les appels pour les équipes. Au lieu de retourner à leur point de départ, les ambulances restent en circulation — plus près des secteurs où elles risquent d’être sollicitées.


À quoi ressemble un système presque idéal

Certains services sont souvent cités comme modèles de déploiement dynamique efficace — sans être parfaits. C’est le cas notamment à Charlotte, Caroline du Nord, ou dans Austin-Travis County, Texas.

Leurs points communs?

Une infrastructure de données solide : des années d’appels analysés à l’échelle locale permettent de générer des prédictions fiables.

Une répartition humaine et flexible : les logiciels suggèrent, mais ce sont les répartiteurs qui jugent en fonction du contexte réel.

L’adhésion des équipes terrain : les paramédics participent à la conception et aux ajustements du modèle. On tient compte de leur réalité : accès aux toilettes, pauses-repas, zones communautaires connues.

Un suivi rigoureux de la performance : on mesure ce qui fonctionne (ou pas) et on ajuste.

Une structure intégrée : dans ces régions, répartition, soins, et gestion sont coordonnés, ce qui facilite l’équilibre entre efficacité et bien-être.


Ce qu’on y gagne

Pour les gestionnaires et décideurs, le déploiement dynamique permet de produire des indicateurs de performance convaincants : des temps de réponse moyens réduits, une meilleure couverture du territoire, une justification plus facile du niveau de ressources.

Pour les patients, ça peut faire une différence tangible — voire vitale. En cas d’infarctus ou de blessure grave, chaque minute compte.


Ce que ça implique

Cela dit, le déploiement dynamique n’est pas une solution magique. Ce qui fonctionne bien dans un centre urbain en damier peut mal s’appliquer à une région rurale où les routes sont sinueuses, les distances plus grandes, et les données plus rares. Le modèle repose sur une certaine densité d’appels et sur la disponibilité d’un nombre minimal d’ambulances. Quand ces conditions ne sont pas réunies, l’approche peut rapidement se dégrader.

Et même si ce premier texte vise simplement à expliquer le concept de façon neutre, les prochaines parties de cette série aborderont ce qui arrive quand la réalité ne suit pas la théorie — quand les systèmes sont implantés sans soutien adéquat, quand la connaissance du terrain est remplacée par des modèles algorithmiques, et quand les besoins de base des paramédics et des répartiteurs sont sacrifiés au nom de la performance.

Parce qu’au fond, le déploiement dynamique, ce n’est pas qu’un calcul informatique — c’est un quotidien vécu, une décision humaine, et une série de choix logistiques qui touchent autant ceux qui soignent que ceux qui appellent.


À suivre…

Ce premier article a présenté les bases du déploiement dynamique : son fonctionnement théorique, ses promesses et les conditions nécessaires à son efficacité.

Dans la prochaine partie, nous amorcerons un exercice de transparence. L’auteur y partagera ses propres expériences avec le déploiement dynamique — les moments où le système a bien fonctionné, ceux où il a échoué, et les pistes qu’il a entrevues pour faire mieux.

Cette série se veut un outil de référence pour celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre — et améliorer — la façon dont sont déployés les resources de soins préhospitaliers d’urgence au Québec.

Vos commentaires sont les bienvenus. Vous pouvez aussi écrire directement à l’auteur l’adresse suivante : newman.hal@gmail.com.


Dynamic Deployment: Between Theory and Reality

Author’s Note

This is the first in a six-part series, published weekly, exploring emergency medical dispatch and the often-invisible mechanisms behind dynamic deployment.

Each week, we’ll examine an element of the system — how it’s supposed to work in theory, and how it actually plays out on the ground and inside emergency communication centers.

From algorithmic modeling to the lived realities of dispatchers and paramedics, this series investigates the growing gap between the promises of efficiency and the human consequences of implementation.

Maybe that gap isn’t so wide it can’t be bridged. Alongside critical analysis, this series will propose potential solutions.


Part 1: What Is Dynamic Deployment?

Imagine an ambulance system that moves like a chessboard — except the players don’t wait for the next emergency call. They’re already in motion, repositioning in real time to anticipate the next 9-1-1 call. That’s the basic principle behind dynamic deployment: a strategy used by many EMS systems across North America to reduce response times and optimize resources.

Unlike traditional models where ambulances return to a fixed base after each call, dynamic deployment is fluid and data-driven. The goal is to place available units as close as possible to where the next call is most likely to come from.


How It Works

Dynamic deployment relies heavily on computer-aided dispatch (CAD) systems and analysis of historical call data. These tools help predict when and where 9-1-1 calls are most likely to occur. Based on those predictions, the system suggests “posting locations” — designated standby zones where ambulances wait between calls.

For example, if a particular intersection consistently generates a high volume of calls on Friday evenings between 6 p.m. and 10 p.m., the system may recommend positioning a unit nearby during that window. These locations aren’t random — they’re algorithmically calculated to maximize territorial coverage and proximity to anticipated demand.

Dispatchers play a central role. While the system may suggest a repositioning, it’s the dispatcher who makes the final decision, relays instructions to crews, and adapts in real time as conditions change.

In an ideal scenario, dynamic deployment leads to faster response times, better distribution of resources, and less downtime between calls. Instead of returning to base, units stay mobile — closer to where they’re likely to be needed next.


What an Almost Ideal System Looks Like

Certain EMS systems are frequently cited as models of effective dynamic deployment — even if none are perfect. Charlotte, North Carolina, and Austin-Travis County, Texas, are among the standouts.

What do these systems have in common?

  • Robust data infrastructure: Years of localized call data allow for reliable forecasting.
  • Flexible human dispatching: Software makes suggestions, but dispatchers make informed decisions based on real-world context.
  • Field team buy-in: Paramedics help shape and refine the model. Practical needs — access to washrooms, meal breaks, familiar community zones — are factored in.
  • Performance tracking: Outcomes are measured and regularly adjusted.
  • Integrated systems: In these regions, dispatch, care, and management are coordinated, helping balance efficiency with well-being.

What’s to Be Gained

For managers and policymakers, dynamic deployment delivers powerful performance metrics: reduced average response times, improved coverage, and stronger justification for resource allocation.

For patients, the difference can be real — and life-saving. In cases of cardiac arrest or major trauma, every minute matters.


What It Requires

That said, dynamic deployment is no silver bullet. What works well in a grid-like urban center may fall apart in a rural region where roads are winding, distances are greater, and data is less reliable. The model depends on a critical mass of calls and a baseline number of available units. When those conditions aren’t met, the system can quickly falter.

And while this opening article aims to neutrally explain the concept, future instalments will examine what happens when theory fails to meet practice — when systems are implemented without adequate support, when local knowledge is replaced by algorithms, and when the basic needs of paramedics and dispatchers are sacrificed in the name of performance.

Because ultimately, dynamic deployment isn’t just a software calculation — it’s a lived experience, a human decision, and a series of logistical choices that affect both those who deliver care and those who call for it.


Coming Up Next...

This first article laid out the theoretical foundations of dynamic deployment: how it works, what it promises, and the conditions that make it effective.

In the next installment, we’ll turn to transparency. The author will share their personal experiences with dynamic deployment — the moments when the system worked, the times it failed, and the glimpses of what might work better.

This series is intended as a reference for those who want to understand — and improve — how emergency prehospital care resources are deployed in Quebec.

Comments and feedback are welcome. You can reach the author directly at newman.hal@gmail.com