Droits des femmes paramédics

Droits des femmes paramédics

(23-05-2025 English version follows the French)

Nous sommes en 2025. C’est la Semaine des services paramédicaux. Une semaine censée souligner la force tranquille et l’expertise clinique de celles et ceux qui interviennent en première ligne, dans les pires moments de nos vies.

Et pourtant, nous voici à écrire non pas avec fierté, mais avec consternation — pour dénoncer le rappel forcé au travail de paramédics en congé préventif d’allaitement, à la suite d’un changement de politique chez Urgences-santé, le service ambulancier public desservant Montréal et Laval.

L’annonce, transmise par courriel syndical à 41 femmes actuellement en congé, représente un recul majeur des protections en santé maternelle.

« Depuis plus de 20 ans, les femmes paramédics d’Urgences-santé bénéficient d’un retrait préventif pendant l’allaitement, permettant d’éviter toute contamination du lait maternel qu’elle soit chimique ou biologique. Cette mesure préventive a toujours été considérée comme essentielle pour protéger les bébés.
Or, cette année, les responsables du programme “Maternité sans danger” de la santé publique ont décidé de revoir les risques biologiques, concluant qu’ils seraient désormais négligeables ou suffisamment contrôlés par les équipements actuels. Cependant, les risques chimiques, notamment lors d’exposition à la fumée d’incendie ou à un déversement de produits dangereux, demeurent bien réels.
Malgré cela, l’employeur affirme pouvoir contrôler les risques chimiques en interdisant simplement aux travailleuses d’intervenir dans des “zones chaudes ou tièdes”. »

Toute personne ayant travaillé un seul quart de travail sur le terrain sait à quel point c’est irréaliste.

« Est-ce qu’on est censées refuser de porter secours à un pompier en arrêt cardiaque sur une scène d’incendie, parce qu’il n’a pas été décontaminé? » demande une paramédic. « On s’éloigne d’un trauma parce que ça ne rentre pas dans un beau diagramme de sécurité? »

Ces femmes ne sont pas en vacances. Elles sont en congé pour protéger leurs bébés allaités de toxines et de contaminants rencontrés en situation d’urgence. L’une d’elles — une paramédic dont le bébé de huit mois dépend à 95 % du lait maternel et refuse toute formule — s’est exprimée clairement :

« Ce que je refuse d’accepter, c’est que mon employeur me dise quand je dois arrêter de nourrir mon enfant avec les nutriments que moi seule peux lui offrir. Ce que je refuse d’accepter, c’est que quelqu’un me dise qu’il peut “me garder en sécurité” alors qu’il n’a jamais mis les pieds sur le terrain. Ce n’est pas juste un inconvénient. C’est une atteinte. »

Elle n’est pas seule. Partout à Montréal et Laval, des mères paramédics essaient de réorganiser leur vie en deux mois. Certaines n’auront pas de place en garderie avant 2026. D’autres ont cédé une partie de leur congé à leur conjoint, croyant avoir droit à une période d’allaitement complète. Et maintenant, on les rappelle avant même que leurs bébés soient sevrés.

« Ce n’est pas juste la fin du congé, » dit une autre paramédic. « C’est qu’on nous dise jusqu’à quand on a le droit d’allaiter. C’est ça qui me démolit. »

Lors d’une entrevue avec un porte-parole corporatif d’Urgences-santé, La Dernière Ambulance s’est fait dire que le changement de politique concernant le congé préventif pour les mères allaitantes découlait d’un changement de directives de la part de la Santé publique et de la CNESST. Il a insisté sur le fait qu’Urgences-santé suivait les recommandations émises par ces deux organismes et avait ajusté sa politique en conséquence.

Le porte-parole a également précisé qu’ils allaient travailler avec chacune des paramédics touchées, au cas par cas, advenant qu’un accommodement doive être envisagé — mais que ce changement de politique « ne touche qu’un très petit nombre de personnes ».

Lorsque nous avons demandé si Urgences-santé allait publier un communiqué interne expliquant le changement de politique et ses impacts sur les mères allaitantes, le porte-parole a réitéré que cela ne touchait qu’un petit nombre de personnes et qu’aucun communiqué interne n’était prévu. La Dernière Ambulance a appris que, depuis notre entrevue, il y aurait désormais des plans pour qu’une annonce officielle interne concernant le changement de politique soit faite dans les prochains jours.

Lorsque nous avons questionné l’impact qu’un tel changement soudain pourrait avoir sur la vie des mères, de leurs bébés, de leurs familles et de leur entourage élargi, le porte-parole a une fois de plus répété que ce changement ne touchait qu’un petit nombre de personnes. Une réponse semblable a été donnée à notre question concernant l’impact possible de cette décision sur le recrutement et la rétention de nouveaux paramédics, qui auraient pu choisir Urgences-santé comme employeur en raison des politiques de maternité et d’allaitement historiquement en place, et qui viennent tout juste d’être modifiées.


Une politique qui force les femmes à choisir entre leur carrière et leur enfant. Un message dévastateur envoyé à un personnel que le système tente désespérément de garder : des femmes en âge de fonder une famille, qui jonglent déjà avec des horaires instables, des quarts imprévisibles, et un réseau de santé surchargé.

Le Syndicat du préhospitalier a condamné la décision avec force, dénonçant une atteinte grave aux droits des femmes et à la sécurité des nourrissons. Il a promis de lutter. Mais il ne devrait pas avoir à se battre seul.

Ce n’est pas une question marginale. Ce n’est pas « juste » 41 femmes. C’est une question de respect. De dignité. De justice dans les milieux de travail.

Alors, si vous célébrez la Semaine des paramédics, posez-vous la question : quel genre de système remercie ses paramédics… tout en leur enlevant les droits qui leur permettent de faire leur travail et d’élever leurs enfants en toute sécurité?

Parce que ce n’est pas qu’une histoire d’allaitement.

C’est une histoire de pouvoir. De corps. Et de pourquoi, en 2025, il faut encore se battre pour que les décisions concernant les femmes… reviennent aux femmes elles-mêmes.


The rights of women paramedics

It’s 2025. Paramedic Services Week. A time meant to honour the quiet strength and clinical excellence of those who serve on the front lines of crisis.

And yet here we are — writing not with pride, but with disbelief — telling the stories of breastfeeding paramedics being forced to cut short their preventive maternity leave and return to duty at Urgences-santé, Quebec’s government-run ambulance service which serves Montréal and Laval.

The change, communicated by union email to 41 women on preventive leave, represents a stunning rollback of maternal health protections.

« Depuis plus de 20 ans, les femmes paramédics d’Urgences-santé bénéficient d’un retrait préventif pendant l’allaitement, permettant d’éviter toute contamination du lait maternel qu’elle soit chimique ou biologique. Cette mesure préventive a toujours été considérée comme essentielle pour protéger les bébés.
Or, cette année, les responsables du programme “Maternité sans danger” de la santé publique ont décidé de revoir les risques biologiques, concluant qu’ils seraient désormais négligeables ou suffisamment contrôlés par les équipements actuels. Cependant, les risques chimiques, notamment lors d’exposition à la fumée d’incendie ou à un déversement de produits dangereux, demeurent bien réels.
Malgré cela, l’employeur affirme pouvoir contrôler les risques chimiques en interdisant simplement aux travailleuses d’intervenir dans des “zones chaudes ou tièdes”. »

Anyone who has worked a single shift in prehospital care knows how unrealistic that is.

“Are we supposed to refuse care on a fire scene if a firefighter is in cardiac arrest and hasn’t been decontaminated yet?” asks one paramedic. “Do we walk away from trauma because it doesn’t fit a neat safety diagram?”

These women aren’t on vacation. They are on leave to protect their breastfed infants from toxins and carcinogens encountered on the job. One of them — a paramedic whose eight-month-old baby is 95% dependent on breast milk and refuses formula — put it plainly:

“What I refuse to accept is allowing my employer to dictate when I need to stop feeding my child the nutrients only my body can provide her. What I refuse to accept is someone telling me they can ‘keep me safe’ when they have never once worked the streets. This isn’t just an inconvenience. It’s a violation.”

Across Montreal and Laval, paramedic moms are now scrambling. Some have no daycare until 2026. Others split leave with partners based on the assumption they’d have the full duration to breastfeed. Now they’re being ordered back early — while their infants are still months away from weaning.

“It’s not just about ending leave,” another paramedic says. “It’s about being told how long we’re allowed to breastfeed. That’s the part that breaks me.”

In an interview with a corporate spokesperson for Urgences-santé, The Last Ambulance was told that the policy change concerning preventive leave for breastfeeding mothers stemmed from a change in guidance from Santé publique and the CNESST. He insisted that Urgences-santé was following the recommendations issued by these two organizations and had adjusted its policy accordingly.

The spokesperson also specified that they would be working with each of the affected paramedics on a case-by-case basis, in case any accommodations need to be made — but that the policy change “only affects a very small number of people.”

When we asked whether Urgences-santé would publish an internal communiqué explaining the policy change and its impacts on breastfeeding mothers, the spokesperson reiterated that it only affected a small number of people and that no internal communiqué was planned. La Dernière Ambulance has learned that, since our interview, there are now plans for an official internal announcement regarding the policy change to be made in the coming days.

When we asked about the impact such a sudden change could have on the lives of the mothers, their babies, their families, and their extended families, the spokesperson once again repeated that this change only affected a small number of people. A similar response was given to our question about the possible impact of this decision on the recruitment and retention of new paramedics who may have chosen Urgences-santé as their employer because of the long-standing maternity and breastfeeding policies, which have just been drastically modified.


It’s a policy that forces women to choose between their profession and their child. It sends a chilling message to the very workforce Quebec’s EMS system depends on: young women trying to build careers and families within an already strained healthcare system.

The Syndicat du préhospitalier has condemned the decision, calling it a grave attack on women’s rights and infant safety. They’ve pledged to fight. But they shouldn’t have to fight alone.

This isn’t about just 41 paramedics. It’s about how institutions treat caregivers — mothers, workers, humans — in the very system they uphold.

So if you’re celebrating Paramedic Services Week, ask yourself: what kind of system honours its paramedics with applause — while quietly stripping away the policies that allow them to serve and parent with dignity?

Because this isn’t just a story about breastfeeding.

It’s a story about who gets to decide what women do with their bodies — and why, in 2025, we’re still fighting to make sure that answer is – women themselves.