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Entretien avec Marcel Boucher MD, partie 1

Entretien avec Marcel Boucher MD, partie 1

English version follows the french.

(25-02-2024)

Marcel Boucher MD est un spécialiste en médecine d'urgence. Son parcours est extraordinaire :

Gradué en médecine U. de Mtl juin 1976, Licence du Collège médical du Canada.

Permis de pratique Collège des médecins du Québec juillet 1977 omnipraticien.

Certificat du Collège des médecins de famille du Canada 1982

Certificat du Collège des médecins de famille du Canada en médecine d'urgence 1982

Certificat du Collège des Médecins du Québec spécialiste en médecin d'urgence depuis 2000 (première cohorte)

Chef du service de médecine générale et du service d’urgence de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont

Chef adjoint du département de santé communautaire (aujourd’hui santé publique) de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont

Coordonnateur de l’équipe médicale d’Urgences-santé

Membre fondateur de l’Association des médecins d’urgences du Québec

Coordonnateur de la réponse-santé et services sociaux aux catastrophes et du réseau de traumatologie majeure en Montérégie

Membre du Comité national de traumatologie majeure du MSSS

Directeur des services professionnels et hospitaliers Hôpital Brome-Missisquoi

Directeur des services professionnels et hospitaliers Hôpital Maisonneuve-Rosemont, centre affilié à l’Université de Sherbrooke et centre tertiaire de traumatologie majeure

Membre du conseil d’administration de l’Association de spécialistes en médecine d’urgence du Québec

Directeur des services professionnels et de l’assurance de la qualité à Urgences-Santé mai 2000 à mars 2006.

Consultant en mesures d’urgence-réponse aux sinistres de 1988 à 2010, Société Prudent

Visiteur pour Agrément Canada. Évalué la sécurité/qualité des soins d’organisations de santé, de services préhospitaliers d’urgence, de service préhospitaliers aéroportés, de réseaux de traumatologie d’une rive à l’autre du Canada, 2010 à 2016.

Actuellement médecin examinateur des plaintes médicales dans 4 CISSS et CIUSSS


J'ai eu le privilège de m'asseoir avec le Dr Boucher pour parler des paramédics en soins avancés au Québec. Les résultats de cette conversation seront présentés en plusieurs parties afin de donner à nos lecteurs le temps et l'espace dont vous aurez besoin pour faire une pause, réfléchir et digérer tout ce qu'il a partagé.


Newman — Il y a 20 ans, vous avez introduit les soins avancés chez les paramédics au Québec. Vous semblez avoir été un genre de Don Quichotte qui a dû, au départ, se battre contre des moulins à vent. J'aimerais vous demander quel était votre état d'esprit lors de votre arrivée dans le milieu préhospitalier, car la réalité actuelle semble complètement différente de ce à quoi vous avez fait face à l’époque.

Boucher — Ça me fait plaisir de parler de cette belle aventure des soins préhospitaliers avancés. À Montréal, quand Urgences-santé a été créé comme entreprise de coordination des transports ambulanciers vers les hôpitaux, on a intégré, à ce moment-là, les équipes de Télé-Médic qui étaient des médecins déjà sur la route avec des défibrillateurs.

Donc, ils faisaient déjà des soins préhospitaliers avancés dans des véhicules automobiles, avec un technicien qui les assistait. Au début des années 80, les gens de Télé-Médic, puis après ça, les médecins d'Urgences-santé, il y en a eu jusqu'à 150. Dans l'équipe, il y avait 40 quarts de travail par jour, par 24 h. On avait 20 médecins sur la route, quinze le soir, puis six la nuit. Tous les appels 9-1-1 graves recevaient une affectation médecin-ambulance en même temps. Ce n’est pas moi qui ai inventé les soins préhospitaliers au Québec, je ne suis pas Don Quichotte. Dans ce contexte particulier, il faut penser que depuis 1981, il y avait un service préhospitalier qui envoyait des médecins à tous les appels de première et deuxième priorité à Montréal.

Ça a fonctionné comme ça. Moi, j'ai été le premier médecin coordonnateur. C'est moi qui ai monté l'équipe de 150 médecins. On en avait la moitié qui étaient des résidents en médecine. Pendant qu'ils étaient en stage, soit pour la médecine de famille ou pour les autres spécialités, ils avaient le droit de faire du moonlighting : ils avaient droit de faire des gardes comme médecins omnipraticiens, à cette époque-là. La cédule était complète, je refusais même des gardes médicales avec la disponibilité des médecins. En 1992, il y a eu une entente entre le ministère de la Santé et la Fédération des médecins omnipraticiens qui a mis fin à la capacité des résidents en spécialité, sauf la médecine de famille, de devenir médecin pour faire du moonlighting, pour faire des gardes dans les hôpitaux éloignés et à Urgences-santé. Donc 1992, à cause de cette entente, on a perdu la moitié des 150 médecins qui étaient des médecins résidents. On est tombé avec une équipe de soins avancés médicaux préhospitaliers d’environ 70 médecins.

Ce qui a été particulier, c'est que les médecins urgentologues, les 70 restants, ils travaillaient déjà sur des horaires défavorables le soir, la nuit, les fins de semaine, les jours fériés, les vacances, dans des hôpitaux et à Urgences Santé. Les résidents, c'est eux qui prenaient toutes les gardes de soir, de nuit et de fin de semaine. Alors là, on a perdu la moitié du staff de médecins en 1992, puis l'autre moitié bien s'est ramassée avec deux fois plus d'horaires défavorables. La moitié de ceux-là sont partis : on est passé rapidement de 40 quarts de médecins sur la route à dix, douze, quinze quarts de médecins sur la route. Puis ça a diminué jusqu'en 2000 où là, il restait à peu près une quinzaine de médecins à Urgences-santé qui faisaient des soins avancés. De la manière que la liste de garde était faite en 2000, il y avait un, deux ou trois médecins sur la route le jour, un ou deux le soir, puis un la nuit. Il y avait des trous, des quarts de travail dans la semaine où il n'y avait aucun médecin. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu’à Montréal, il y a eu des soins préhospitaliers avancés de 1981 à 2000.

Newman — J'étais dans la cohorte avec Dr. Peter Cohen, Dr. Wayne Smith. Avant ça, avec Rick Daly, avec Jean Jacques Lapointe,. toute cette équipe-là.

Boucher — En arrière de tout ça, c'était Dr. Peter Cohen, puis Dr. Wayne Smith, qui ont formé des paramédics de soins avancés via le Royal-Vic, puis McGill, avant que je commence. C'est resté un petit groupe géographiquement situé dans l'ouest de Montréal. Ce groupe-là n'a pas été intégré comme volet de soins avancés à Urgences-santé, probablement que c'est parce que c'était couvert déjà par des médecins depuis Télé-Médic. Tu as raison, il y avait des paramédics en soins avancés qui avaient le training, mais ils n’ont jamais été reconnus officiellement avec le champ de pratique de paramédics de soins avancés, et à Urgences-santé non plus. Pourquoi on aurait eu besoin de paramédics si on avait déjà 150 médecins qui faisaient la garde? C'était ça, le mindset.

En 1999-2000, après avoir fait de la médecine d'urgence à Maisonneuve-Rosemont où j'ai été chef, je suis à la fin de mon mandat comme directeur des services professionnels et hospitaliers, directeur médical à l'hôpital Charles-Le Moyne qui est un centre de trauma tertiaire. J'avais été engagé comme directeur médical parce que j'avais du bagage administratif à Brome-Missisquoi, comme DSP (Directeur des services professionnels), puis aussi parce que j'étais un spécialiste en traumatologie. J'avais participé à l'organisation régionale et nationale de traumatologie.

Quand Charles-Le Moyne a été nommé centre de traumatologie tertiaire en 1994-95, ils m'ont engagé pour devenir leur directeur médical, pour remplir le rôle et la mission de l'établissement en traumatologie majeur. Aussi, l'hôpital s'affiliait à ce moment-là à l'Université de Sherbrooke. Entre 1996 et 2000, l'hôpital Charles-Le Moyne est devenu un centre tertiaire de traumatologie majeur, est devenu un centre universitaire pour la formation des médecins, puis est devenu un centre de recherche. Alors c'était des années extraordinaires. J'avais fini les mandats : j'avais été engagé pour faire ça. Puis quand 2000 est arrivé, j'avais rempli les mandats qui m'avait été confié, moi et beaucoup d'autres personnes : il y avait toute une équipe.

En 2000, monsieur André Giroux, qui était PDG de d'Urgences-santé, via François Gravel, m'a demandé si je voulais venir à Montréal comme DSP à Urgences-santé, parce qu'ils avaient deux gros projets. On voulait atteindre le niveau de soins de paramédic primaire, comme le reste du Canada, avec un programme où les paramédics d’Urgences-santé pourraient donner cinq médicaments. On a obtenu, avec un projet de recherche et l'appui du Collège des médecins, la capacité de monter ce programme.

En 2002, on avait formé tous les paramédics d'Urgences-santé. Il y en a là-dedans qui avaient une formation de 150 heure post-secondaire, certains 450 heures post-secondaire, d’autres 950 heures post-secondaire. Et tous ces gens ont réussi le programme de soins sur les cinq médicaments dans un centre de formation. On m’a alors dit : Marcel, l'équipe médicale, on ne sera plus capable de la reconstruire. Le niveau avancé est en train de disparaître.

Tu peux imaginer que dans une ville comme Montréal, où il y avait 1000 appels et plus par jour, un médecin pour couvrir Montréal et Laval sur la route, même s'il donnait des soins avancés, il n’arrivait jamais assez vite. Il y avait des paramédics sur place, qui commençaient les réanimations ou ils étaient déjà partis vers les hôpitaux. Alors quand tu n’as pas au moins une dizaine de véhicules de soins avancés un peu partout sur le territoire, tu ne peux pas avoir un temps de réponse équivalent aux paramédics de soins primaires ni aux pompiers. Le service de soins avancés était en train de disparaître.

Je me suis dit : je ne pourrai jamais recruter en 150 médecins. Mais si un jour on pouvait former la moitié de la flotte en soins avancés, car à l’époque, c’était ça le plan. On pourrait avoir dans tous les véhicules un des deux paramédics qui peut produire, au besoin, des soins avancés. Quand les circonstances font que on ne peut pas tout de suite prendre le patient encore vivant puis l'amener à l'hôpital. Pour les gens qui étaient en train de mourir ou qui venaient de mourir. On peut tout faire sur les lieux sans se dépêcher pour aller à l'hôpital puis avoir une diminution complète ou un arrêt complet des soins entre le domicile ou l'endroit public et l'hôpital.

Je n’ai pas inventé les soins paramédicaux, ils étaient là depuis 20 ans à Montréal. Tout ce que j'ai fait, c'est de façon pratico-pratique, je me suis dit : on va couvrir les soins primaires avec tout le monde. C'est ça que j'ai fait en premier. On l'a fait à Montréal, puis tout de suite après c'est devenu un programme national pour les soins primaires. Ensuite, on a fait le programme de soins avancés. Parce que le Collège des médecins l'exigeait, mais aussi parce qu’on ne voulait pas avoir de difficultés aussi avec les infirmières, les inhalothérapeutes et toutes les autres personnes déjà diplômées en santé, on a pris une équipe de 18 paramédics qui avaient déjà un permis de pratique en nursing ou en inhalothérapie pour la première cohorte.

Ça a duré deux ans. On les a sortis de la route, puis on les a fait accompagner par des médecins la première année, puis après ça, la deuxième année, ils étaient capables d'intervenir par eux-mêmes. On a acheté un mannequin simulateur qui était suffisamment sophistiqué pour entraîner des résidents en anesthésie, en soins intensifs et en cardiologie. D'ailleurs, quand on n’avait pas de journées de formation pour nos paramédics, on recevait des médecins en résidence et leurs patrons pour des stages d'entraînement sur ce mannequin-là. Dans notre centre de formation, les gens de McGill sont venus former plusieurs dizaines de médecins.

C'est sûr que, même dans les hôpitaux, des cas extrêmes où on a besoin de soins avancés, il n’y en a pas à toutes les cinq minutes. Pour le training, on ne peut pas compter sur le fait qu'on voit seulement un cas grave qui a besoin de soins avancés une fois par mois. Il faut s'entraîner régulièrement sur des mannequins. Tous les systèmes le font maintenant. Mais je reviens au plan. Ce n’était pas de former tous les paramédics en soins avancés, c'était de faire une cohorte à toutes les années d'une vingtaine de paramédics en soins avancés pour qu’éventuellement, on ait la moitié, 40 ou 50 % des paramédics dans les véhicules qui serait un match, un de soins primaires et un de soins avancés.

C’était ça le concept quand je suis arrivé. C'était le mandat pour lequel le PDG, la haute direction et le conseil d'administration d’Urgences-santé m’avait engagé. Urgences-santé ne relevait pas de la Direction nationale des préhospitaliers d’urgence. C'est une corporation paragouvernementale qui relevait du ministre. La Direction nationale des services préhospitaliers d’urgence, qui commençait, s'occupait principalement des quinze autres régions administratives.

En résumé, ce n’était pas mon idée d'introduire ça à Montréal : on m’en a donné le mandat. Notre programme n’était pas un programme maison, c'était un programme qui répondait à tous les critères de l'Association canadienne des paramédics et l'Association médicale canadienne. D'ailleurs, quand on a terminé, ce n’est pas nous qui avons donné le diplôme de soins avancés. Ça n'existait pas au Québec. On a envoyé nos paramédics passer des examens dans un collège de paramédics en Ontario, et ils ont été certifiés comme paramédics en soins avancés au niveau canadien et ontarien. Je pense qu'il y en a dix sur les sur les 20 qui ont reçu la médaille du Gouverneur général parce qu'ils étaient dans le premier 10ᵉ percentile de ceux qui ont mieux réussi au Canada.

Finalement, on a eu le même problème qu’avant. Avec 18 personnes, t'en as deux, trois le jour, un ou deux le soir, puis eu un ou deux la nuit et on court à travers Montréal et Laval pour essayer de de faire une différence sur les gens. Mais on ne pourra jamais démontrer, à moins d’en avoir sur tous les véhicules et d'arriver en sept ou huit minutes, que les paramédics en soins avancés font une différence pour la population.

À Montréal pour pouvoir fonctionner de manière financièrement responsable, on ne peut pas aller beaucoup plus bas comme temps de réponse que huit, neuf, dix minutes pour l'arrivée des paramédics. Mais la défibrillation cardiaque, il faut qu'elle se fasse dans les premières minutes chez la personne qui fait un arrêt cardiaque.

Sauver des vies, pour les enfants qui ont un corps étranger dans la gorge ou les adultes qui font une mort subite, ce n’est pas le travail de l’ambulance : c'est le job du public. Public Access Défibrillation (l’accès public à la défibrillation), c'est le job des premiers répondants à Montréal. Ce sont surtout les pompiers. Parce qu’eux, ils passent 95 % de leur temps en standby, alors que les paramédics font 40 % de standby. Quand tu as quelqu'un qui fait 95 % de standby, il est presque toujours disponible pour répondre. Des casernes de pompiers, il y en avait 70 à Montréal, 70 casernes pour répondre, selon leurs standards pour éteindre les feux, en trois ou quatre minutes. Alors pour donner une défibrillation, qui est le geste qui sauve les morts subites en fibrillation ou en tachycardie ventriculaire, les pompiers qui arrivent les plus vite. S'il y a une hémorragie massive, ça prend quelqu'un qui fait une compression dessus. Si quelque se retrouve avec un corps étranger, ça prend quelqu'un qui manœuvre de Heimlich.

Alors oui, on se parle aujourd'hui des soins avancés, et on va continuer d'en parler. Mais il faut que tu penses que, entre 2000 et 2007, l'équipe d’Urgences-santé et moi, on a établi le standard de soins paramédicaux primaires pour 1000 paramédics. On a formé 20 paramédicaux en soins avancés, puis on a formé 2000 pompiers au cours de 60 heures : secourisme avec épinéphrine, puis avec défibrillation, puis avec administration d'oxygène. Pour moi, ces années-là, c'est les plus belles années de ma carrière. Comme médecin, j'ai contribué à changer la manière de fonctionner du préhospitalier, en partant du transport de malade à, aujourd’hui, une large équipe de soignants. Je crois que, depuis ce temps, on a sauvé des milliers de vie avec l'intégration des premiers répondants, des soins paramédicaux primaires, puis des soins avancés. Malheureusement, ça a pris douze ans avant que les gens soient autorisés au Québec à refaire d'autres cohortes de soins paramédicaux avancés.

On avait proposé aux équipes du Ministère de faire des cohortes de paramédicaux soins critiques pour le créneau aéroporté, ou le créneau terrestre de longues distances chez les gens qui parlent de soins intensifs en Abitibi, ou des soins intensifs en Gaspésie, pis il faut qu'ils se rendent à Québec ou qu'ils se rendent à Montréal. Au bout de 6 ans, on m’a dit : assieds-toi Marcel, tu ne formeras plus de soins avancés. Actuellement, et depuis toujours, on met dans une ambulance deux paramédics, une infirmière, un médecin qui partent pour la journée, s'en vont en transfert vers d’autres hôpitaux, puis reviennent. Donc, il y a de grands délais pour être capable de faire du transport vers les établissements de soins critiques.

Newman — On donne souvent l'exemple de Rimouski vers la ville de Québec.

Boucher — On peut donner toutes les régions en exemple. Il faut que les gens soient suffisamment stabilisés dans ces régions-là pour pouvoir supporter le transport terrestre ou attendre l’avion Valentine qui soit est déjà loin ou soit le charger de personnes et d'équipements, etc. Alors c'est paradoxal, parce qu’idéalement en région, si la personne n’est pas morte quand les paramédics arrivent, si la personne est en état critique dans le petit hôpital de la région, c'est là qu'il faut la prendre. Il faut envoyer un hélicoptère ou un avion, puis le transporter vers les autres centres. Par définition, il faut qu'ils aillent dans un centre tertiaire, ils ne peuvent pas rester dans un centre primaire et espérer que là-bas, ils vont le stabiliser. C'est certain que les gens ne sont pas capables de survivre à ce type de choses-là.

On déjà un système coûteux avec des milliers de paramédics, des centaines d'ambulances. Un système aéroporté, ce serait une petite partie des dépenses en santé. Si on réussissait à avoir des équipes dédiées, rapidement accessibles, pour faire le job pour l'ensemble du Québec et ses régions, c'est probablement entre 100 et 200 personnes maximum qui auraient à être formés, peut-être même moins.

Je reviens en 2006, à Urgences-santé. On a fait tout le monde en soins paramédicaux primaires, puis on a une équipe de soins avancés. On était prêts avec notre mannequin à former non seulement d'autres équipes en soins avancés, mais on était capable d’amener nos paramédics en soins avancés au niveau soins critiques. Puis ces programmes-là ont été gelés pendant très longtemps. Quand c'est recommencé, ça a été fait au niveau universitaire, avec des petits nombres, entre dix et quinze personnes par année. On ne peut pas mesurer l'impact des soins avancés au Québec ou ailleurs s’ils ne sont pas assez et ils ne peuvent pas répondre assez. Ce n’est pas sur les arrêts cardiaques qu'il faut mesurer l'utilité des soins avancés : c'est la morbidité et la mortalité des infarctus. Parce que ça, il y en a des centaines tous les jours. Et ça on peut intervenir et les stabiliser, ou commencer des traitements comme l'anticoagulation, la fibrinolyse pour les AVC, pour les infarctus et ça, il y en a des centaines par jour à travers la province de Québec réalisés dans les centres d’hémodynamie.

Tout ça pourrait être fait avec une coordination des paramédicaux en soins avancés. Si on traite les patients adéquatement, qu’on commence les traitements à domicile ou durant le transport, on peut d'une part accélérer de probablement 20, 30, 40 minutes le début de traitements efficaces comme la Fibrinolyse. Et surtout, on peut se permettre, dans les endroits où les transports sont plus longs dans les régions, de passer devant le petit hôpital puis continuer le traitement pour aller jusqu'à l'hôpital régional. Aussi, on est capable de prendre les gens de l'hôpital régional pour les envoyer dans des centres tertiaires. Donc, c'est la morbidité pour les AVC, pour les infarctus qui seraient mesurables si on avait suffisamment de paramédicaux en soins avancés. On peut aussi penser aux hémorragies digestives, aux embolies pulmonaires, aux crises d'asthme, tous les gens vivants mais en très mauvais état, qui se détériorent et en attendant l'ambulance, et entre le moment où prend l'ambulance qu’on arrive aux soins intensifs à l’hôpital.

C'est aussi vrai pour la question de la douleur. En préhospitalier, si on donne des analgésiques puissants, on peut soulager des gens très tôt après l'événement. Si ce n’est pas fait sur place, c'est souvent fait 2 à 3 heures plus tard, dans les urgences des hôpitaux. Il y a aussi les patients qui sont en agitation psychiatrique où on peut faire de la contention chimique au lieu de se battre avec les gens et de se blesser. C’est fait un peu partout là dans le monde et en Amérique du Nord.

Pour moi, les soins avancés, c'est une manière de traiter toutes les urgences majeures, pas seulement les arrêts cardiorespiratoires. C'est vraiment tous les états de détresse pour lesquels on pourrait démontrer que, quand les soins avancés commencent des traitements une demi-heure avant, ou 1 h avant en région, c’est impossible que ça n’ait pas un avantage clinique démontrable pour les patients.

Ne pas avoir de paramédics soins avancés en région, c'est un peu comme si le patient qui arrive et devrait être codé priorité 1, au lieu de l'amener dans la salle de réanimation tout de suite, on décidait de le mettre dans le garage de l'hôpital pendant 30 à 60 minutes. Ça n'a aucun sens. On ne fait pas ça. Identifier la situation critique et poser les premiers gestes avant d’arriver à l’hôpital, 30 minutes avant à Montréal, ou 60 à 90 minutes avant en région, c'est évident pour moi que ça va changer la donne pour la survie, la mortalité et les séquelles pour des milliers de personnes à chaque année.

An interview with Marcel Boucher MD

Marcel Boucher MD is a specialist in emergency medicine. His list of accomplishments, even in point form, is extraordinary: 

Graduated in medicine from the U. from Mtl June 1976, License from the Medical College of Canada.

License to practice College of Physicians of Quebec July 1977 General practitioner.

Certificate from the College of Family Physicians of Canada 1982

Certificate from the College of Family Physicians of Canada in Emergency Medicine 1982

Certificate from the Collège des Médecins du Québec, specialist in emergency medicine since 2000 (first cohort) 

Head of the general medicine department and emergency department at Maisonneuve-Rosemont Hospital

Deputy head of the community health service (now public health) at Maisonneuve-Rosemont Hospital

Coordinator of the Urgences-santé medical team

Founding member of the Association of Emergency Physicians of Quebec

Disaster response coordinator for health and social services and the Montérégie major trauma network

Member of the National Major Traumatology Committee of the MSSS

Director of professional and hospital services Brome-Missisquoi Hospital

Director of professional and hospital services Maisonneuve-Rosemont Hospital, center affiliated with the University of Sherbrooke and tertiary major trauma center

Member of the board of directors of the Association of Emergency Medicine Specialists of Quebec

Director of professional services and quality assurance at Urgences-Santé from May 2000 to March 2006

Consultant in emergency measures-disaster response from 1988 to 2010, Société Prudent

Surveyor for Accreditation Canada. Evaluated the safety/quality of care of health organizations, pre-hospital emergency services, airborne pre-hospital services, trauma networks from one side of Canada to the other, 2010 to 2016

Currently Medical Complaints examiner in four CISSS and CIUSSS      


I had the privilege of sitting down with Dr. Boucher to talk about advanced care paramedics in Quebec. The results of this conversation will be presented in several parts to give our readers the time and space they need to pause, reflect, and digest everything he shared.


Newman — Twenty years ago, you introduced advanced care for paramedics in Quebec. You seem to have been a kind of Don Quixote who initially had to fight against windmills. I'd like to ask you what your mindset was when you entered the prehospital environment, because the current reality seems completely different from what you faced at the time.

Boucher — It's a pleasure to talk about this wonderful adventure of advanced prehospital care. In Montreal, when Urgences-santé was created as a company to coordinate ambulance transports to hospitals, we integrated the teams from Télé-Médic who were already doctors on the road with defibrillators.

So, they were already providing advanced prehospital care in vehicles, with a technician assisting them. In the early 80s, people from Télé-Médic, and later, doctors from Urgences-santé, there were up to 150 of them. In the team, there were 40 shifts per day, per 24 hours. We had 20 doctors on the road, fifteen in the evening, and six at night. All serious 9-1-1 calls received a doctor-ambulance assignment at the same time. I didn't invent prehospital care in Quebec, I'm not Don Quixote. In this particular context, you have to understand that since 1981, there was a prehospital service that sent doctors to all first and second priority calls in Montreal.

That's how it worked. I was the first coordinating physician. I put together the team of 150 doctors. Half of them were medical residents. While they were in training, either for family medicine or other specialties, they had the right to moonlight: they were allowed to work as general practitioners, at that time. The schedule was full, I even refused medical shifts with the availability of doctors. In 1992, there was an agreement between the Ministry of Health and the Federation of General Practitioners which ended the ability of specialty residents, except for family medicine, to become doctors to moonlight, to work shifts in remote hospitals and at Urgences-santé. So in 1992, because of this agreement, we lost half of the 150 doctors who were medical residents. We ended up with a team of about 70 advanced prehospital medical doctors.

What was particular was that the remaining 70 emergency physicians were already working unfavorable hours in the evening, at night, on weekends, holidays, vacations, in hospitals and at Urgences Santé. The residents, they took all the evening, night, and weekend shifts. So, we lost half of the medical staff in 1992, and the other half ended up with twice as many unfavorable hours. Half of them left: we quickly went from 40 doctor shifts on the road to ten, twelve, fifteen doctor shifts on the road. And it decreased until 2000 when there were about fifteen doctors at Urgences-santé providing advanced care. The way the duty roster was done in 2000, there was one, two, or three doctors on the road during the day, one or two in the evening, and one at night. There were gaps, shifts during the week where there were no doctors. What needs to be understood is that in Montreal, there were advanced prehospital care services from 1981 to 2000.

Newman — I was in the cohort with Dr. Peter Cohen, Dr. Wayne Smith. Before that, with Rick Daly, with Jean Jacques Lapointe, that whole team.

Boucher — Behind all that, it was Dr. Peter Cohen and Dr. Wayne Smith who trained advanced care paramedics via the Royal Vic and McGill before I started. It remained a small group geographically located in the west of Montreal. This group was not integrated as part of advanced care at Urgences-santé, probably because it was already covered by doctors since Télé-Médic. You're right, there were advanced care paramedics who had the training, but they were never officially recognized with the scope of practice of advanced care paramedics, and neither at Urgences-santé. Why would we need paramedics if we already had 150 doctors on call? That was the mindset.

In 1999-2000, after practicing emergency medicine at Maisonneuve-Rosemont where I was chief, I am at the end of my term as director of professional and hospital services, medical director at Charles-Le Moyne Hospital, which is a tertiary trauma center. I was hired as medical director because I had administrative experience in Brome-Missisquoi as DSP (Director of Professional Services), and also because I was a trauma specialist. I had participated in regional and national trauma organization.

When Charles-Le Moyne was named a tertiary trauma center in 1994-95, they hired me to become their medical director, to fulfill the role and mission of the major trauma establishment. Also, the hospital was affiliating at that time with the University of Sherbrooke. Between 1996 and 2000, Charles-Le Moyne Hospital became a major tertiary trauma center, became a university center for physician training, and became a research center. So, these were extraordinary years. I had finished the mandates: I had been hired to do that. And when 2000 arrived, I had fulfilled the mandates that had been entrusted to me, along with many other people: there was a whole team.

In 2000, Mr. André Giroux, who was CEO of Urgences-santé, via François Gravel, asked me if I wanted to come to Montreal as DSP at Urgences-santé, because they had two big projects. We wanted to achieve the level of primary paramedic care, like the rest of Canada, with a program where Urgences-santé paramedics could administer five medications. We obtained, with a research project and the support of the College of Physicians, the ability to set up this program.

By 2002, all Urgences-santé paramedics had been trained. Some had a 150-hour post-secondary education, some 450 hours post-secondary, others 950 hours post-secondary. And all these people passed the program for the five medications in a training center. I was then told: Marcel, the medical team, we won't be able to rebuild it. The advanced level is disappearing.

You can imagine that in a city like Montreal, where there were 1000 calls or more per day, one doctor to cover Montreal and Laval on the road, even if he provided advanced care, never arrived fast enough. There were paramedics on site, starting resuscitations or they had already left for hospitals. So when you don't have at least a dozen advanced care vehicles scattered around the territory, you can't have a response time equivalent to primary care paramedics or firefighters. The advanced care service was disappearing.

I thought to myself: I'll never be able to recruit 150 doctors. But if one day we could train half of the fleet in advanced care, because that was the plan at the time. We could have in all the vehicles one of the two paramedics who can provide, if necessary, advanced care. When circumstances dictate that we can't immediately take the patient who's still alive and take them to the hospital. For people who were dying or who had just died. We can do everything on-site without rushing to the hospital and having a complete decrease or complete cessation of care between home or public place and the hospital.

I didn't invent paramedic care; it had been around for 20 years in Montreal. All I did, in a practical way, was to say: we'll cover primary care with everyone. That's what I did first. We did it in Montreal, and right away, it became a national primary care program. Then we did the advanced care program. Because the College of Physicians required it, but also because we didn't want to have difficulties with nurses, respiratory therapists, and all the other health professionals who were already certified, we took a team of 18 paramedics who already had a nursing or respiratory therapy license for the first cohort.

It lasted two years. We took them off the road, and the first year they were accompanied by doctors, and after that, in the second year, they were able to intervene on their own. We bought a simulator mannequin that was sophisticated enough to train anesthesia residents, intensive care residents, and cardiologists. In fact, when we didn't have training days for our paramedics, we received resident doctors and their supervisors for training sessions on that mannequin. In our training center, McGill people came to train several dozen doctors.

Certainly, even in hospitals, there aren't extreme cases where advanced care is needed every five minutes. For training, we can't rely on the fact that we only see one severe case that needs advanced care once a month. Regular training on mannequins is necessary in all systems now. But I come back to the plan. It wasn't to train all paramedics in advanced care; it was to have a cohort every year of about twenty paramedics in advanced care so that eventually, we would have half, 40 or 50% of the paramedics in the vehicles being a match, one for primary care and one for advanced care.

That was the concept when I arrived. That was the mandate for which the CEO, senior management, and the board of directors of Urgences-santé hired me. Urgences-santé did not report to the National Emergency Medical Services Directorate. It is a para-governmental corporation that reports to the minister. The National Directorate of Emergency Medical Services, which was just starting, was mainly responsible for the fifteen other administrative regions.

In summary, it wasn't my idea to introduce this in Montreal: I was given the mandate. Our program wasn't an in-house program; it was a program that met all the criteria of the Paramedic Association of Canada and the Canadian Medical Association. In fact, when we finished, it wasn't us who awarded the advanced care diploma. It didn't exist in Quebec. We sent our paramedics to take exams at a paramedic college in Ontario, and they were certified as advanced care paramedics at the Canadian and Ontario levels. I think ten out of the twenty received the Governor General's Medal because they were in the top 10th percentile of those who performed better in Canada.

In the end, we had the same problem as before. With 18 people, you have two or three during the day, one or two in the evening, and one or two at night, and we rushed through Montreal and Laval to try to make a difference for people. But we can never demonstrate, unless we have them in all vehicles and arrive in seven or eight minutes, that advanced care paramedics make a difference to the population.

In Montreal, to operate in a financially responsible manner, we can't go much lower than eight, nine, ten minutes for paramedic arrival. But cardiac defibrillation needs to happen in the first few minutes for someone experiencing cardiac arrest.

Saving lives, for children with foreign bodies in the throat or adults experiencing sudden death, is not the ambulance's job: it's the public's job. Public Access Defibrillation (PAD), that's the first responders' job in Montreal. It's mostly the firefighters. Because they spend 95% of their time on standby, while paramedics spend 40% on standby. When you have someone who spends 95% on standby, they're almost always available to respond. Fire stations, there were 70 in Montreal, 70 stations to respond, according to their standards, to extinguish fires in three or four minutes. So for defibrillation, which is the action that saves sudden deaths in ventricular fibrillation or ventricular tachycardia, firefighters arrive the fastest. If there's massive bleeding, you need someone to apply pressure. If someone has a foreign body, you need someone to perform the Heimlich maneuver.

So yes, we're talking about advanced care today, and we'll continue to talk about it. But you have to think that between 2000 and 2007, the Urgences-santé team and I established the standard for primary paramedic care for 1000 paramedics. We trained 20 advanced care paramedics, and we trained 2000 firefighters over 60 hours: first aid with epinephrine, defibrillation, and oxygen administration. For me, those were the best years of my career. As a doctor, I contributed to changing the way pre-hospital services operate, from patient transport to today, a large team of caregivers. I believe that since then, we have saved thousands of lives with the integration of first responders, primary paramedic care, and advanced care. Unfortunately, it took twelve years before people in Quebec were allowed to train other cohorts of advanced care paramedics.

We had proposed to the Ministry teams to form critical care paramedic cohorts for the airborne niche or the ground niche for long distances for people who talk about intensive care in Abitibi or intensive care in Gaspésie, and they need to get to Quebec City or Montreal. After 6 years, they told me: sit down Marcel, you won't be training advanced care anymore. Currently, and always, in an ambulance, two paramedics, a nurse, a doctor leave for the day, go to transfer to other hospitals, and come back. So, there are long delays to be able to transport to critical care facilities.

Newman — Rimouski to Quebec City is often cited as an example.

Boucher — We can cite all regions as an example. People in those regions must be sufficiently stabilized to support overland transport or wait for the Valentine plane, which is already far away or is loaded with people and equipment, etc. So it's paradoxical because ideally, in a region, if the person isn’t dead when the paramedics arrive, if the person is in critical condition in the small regional hospital, that's where they should be taken. You need to send a helicopter or a plane and transport them to other centers. By definition, they have to go to a tertiary center; they can't stay in a primary center and hope to be stabilized there. People aren't able to survive those kinds of situations.

We already have an expensive system with thousands of paramedics, hundreds of ambulances. An airborne system would be a small part of healthcare spending. If we managed to have dedicated teams, quickly accessible, to do the job for the entire Quebec and its regions, it's probably a maximum of 100 to 200 people who would need to be trained, maybe even fewer.

I come back to 2006, at Urgences-santé. We trained everyone in primary paramedic care, and we had an advanced care team. We were ready with our mannequin not only to train other advanced care teams, but we were able to bring our advanced care paramedics to critical care levels. And these programs were frozen for a very long time. When it restarted, it was done at the university level, with small numbers, between ten and fifteen people per year. We can't measure the impact of advanced care in Quebec or elsewhere if they aren't enough and they can't respond enough. The utility of advanced care is not measured in cardiac arrests; it's the morbidity and mortality of heart attacks. Because there are hundreds of them every day. And we can intervene and stabilize them or start treatments like anticoagulation, fibrinolysis for strokes, for heart attacks, and there are hundreds per day across the province of Quebec carried out in hemodynamic centers.

All of this could be done with coordination of advanced care paramedics. If we treat patients properly, start treatments at home or during transport, we can accelerate the onset of effective treatments by probably 20, 30, 40 minutes, like fibrinolysis. And especially, in places where transportation takes longer in the regions, we can bypass the small hospital and continue treatment to the regional hospital. Also, we can take people from the regional hospital and send them to tertiary centers. So, it's the morbidity for strokes, for heart attacks that would be measurable if we had enough advanced care paramedics. We can also think about digestive bleeding, pulmonary embolisms, asthma attacks, all people alive but in very bad condition, deteriorating while waiting for the ambulance, and between the time it takes for the ambulance to arrive and when we get to the intensive care unit at the hospital.

It's also true for the question of pain. In pre-hospital care, if we give powerful analgesics, we can relieve people very soon after the event. If it's not done on the spot, it's often done 2 to 3 hours later, in hospital emergency departments. There are also patients in psychiatric distress where we can do chemical restraint instead of fighting with people and injuring ourselves. It's done everywhere in the world and in North America.

For me, advanced care is a way to treat all major emergencies, not just cardiac arrests. It's really all distress states for which we could demonstrate that when advanced care starts treatments half an hour before, or 1 hour before in the regions, it's impossible that it doesn't have a demonstrable clinical advantage for patients.

Not having advanced care paramedics in the regions is a bit like if the patient who arrives and should be coded priority 1, instead of taking them to the resuscitation room right away, we decided to put them in the hospital garage for 30 to 60 minutes. That makes no sense. We don't do that. Identifying the critical situation and taking the first steps before arriving at the hospital, 30 minutes earlier in Montreal, or 60 to 90 minutes earlier in the regions, it's obvious to me that it will change the outcome for survival, mortality, and sequelae for thousands of people every year.