Entrevue avec Marc-Étienne Germain et Kevin Marquis

Entrevue avec Marc-Étienne Germain et Kevin Marquis

J’ai eu le privilège de m’asseoir avec Marc-Étienne Germain et Kevin Marquis pour une entrevue. Ce sont les créateurs du balado Micro sur glace – et les têtes créatives derrière Tête de Cochon, le spectacle-bénéfice au profit de La Vigile, qui aura lieu le 21 septembre 2025 à 19h00 au Théâtre du Vieux-Terrebonne.

L’entrevue devait au départ être un portrait classique du spectacle Tête de Cochon. Mais dès les premières minutes de notre échange, j’ai compris que ce serait tout sauf une conversation typique – et ça, c’était avant qu’un esprit de super-infirmière décédée fasse son apparition dans la discussion.

Je sais pas. C’était peut-être écrit dans le ciel. Après tout, j’étais en train de parler avec deux anciens policiers dont le balado explore la santé mentale des travailleuses et travailleurs de première ligne en santé et en services d’urgence… tout en réussissant à le faire avec une bonne dose (jeu de mots voulu) d’humour.

Briser les tabous, une blague à la fois

Hal--
Je vais commencer en vous félicitant pour le podcast. C’est vraiment intéressant, parce que c’est un des rares--il y en a plein qui essaient de montrer une version glamour des choses, où tout est beau, tout est merveilleux, tout le monde est un héros. Mais vous, même quand vous explorez des zones plus sombres, ça reste captivant.

Marc-Étienne--
C’est clair. Je pense que la mission du podcast, dès le départ, c’était de parler de ce que les gens n’osent pas aborder. Les sujets tabous. Et souvent, personne ne parle de santé mentale. Nous, on essaie de le faire avec une touche d’humour, parce qu’on est deux gars drôles – enfin, on pense qu’on l’est – et probablement que l’humour nous a sauvés la vie plus d’une fois. Avec ce podcast-là, on réussit à rassembler tout ça, toutes ces choses qui sont importantes pour nous : parler de santé mentale, parler de médecine d’urgence. Parce que sans les métiers d’urgence, on n’a pas de société qui fonctionne. C’est fou qu’il y ait des podcasts sur tout et n’importe quoi, mais qu’il n’y en avait pas encore sur les métiers d’urgence. Jusqu’à maintenant.

Kevin--
Oui, surtout pour la santé mentale dans ces métiers-là. On vient de ce milieu. On connaît ce que c’est, l’intérieur d’un char de police ou d’une ambulance. On a un humour qui colle à cette réalité-là, et je pense qu’on a trouvé une formule qui fonctionne. On est deux gars de 35 ans. Pas vieux, pas jeunes, mais assez matures. On a vécu l’urgence. On sait de quoi on parle, et on met les gens à l’aise avec l’humour. On comprend vraiment le métier, et ça fait en sorte que les gens qui viennent sur notre podcast se sentent assez confortables pour raconter ce qu’ils ont vécu – même s’il faut doser, évidemment, parce que c’est public.

Marc-Étienne--
Oui, exactement. On apprend à doser, puis je pense qu’on le fait bien. Les gens de l’urgence comprennent ce qu’on fait. S’il y a une chose qui nous relie presque tous, dans les métiers d’urgence, c’est justement l’humour. C’est ce qui nous garde debout.

Hal--
Ce que j’aime le plus, c’est que c’est authentique. Je n’ai pas l’impression d’écouter quelque chose produit par des gens qui n’ont jamais été sur le terrain.

Marc-Étienne--
Ça, c’est un super beau compliment. Parce que c’est exactement ce qu’on veut. On ne veut pas se dénaturer. Je le dis souvent à la blague à Kev : on n’est pas Charles Tisseyre! On ne fait pas des documentaires. On a nos personnalités, et on veut parler de sujets sérieux en restant nous-mêmes. Pas en essayant d’être quelqu’un d’autre. L’authenticité, pour nous, c’est essentiel. Et si ça transparaît, bien merci, parce que c’est exactement ce qu’on souhaite.

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C’est fascinant d’écouter leur balado. On a l’impression qu’ils font ça depuis toujours – comme s’ils avaient ça dans le sang. Pour moi, c’est un peu comme retrouver de vieux chums… sauf qu’en réalité, on s’était jamais rencontrés avant cette entrevue.

Quand j’étais un jeune paramédic, on organisait ce qu’on appelait des « choir practices » dans quelques bars qu’on aimait bien au centre-ville de Montréal. On se retrouvait entre collègues après nos shifts SPU urbaines, on décompressait autour d’une bière, pis y’avait pas de sujets interdits. Ce qui se disait en choir practice restait en choir practice.

Avec le recul, y’a peut-être des affaires qui se disaient là qu’auraient dû se finir dans le bureau d’un psy. Mais à cette époque-là, c’était pas ça le réflexe. Dire à quelqu’un, surtout à quelqu’un qui comprenait pas le milieu, que t’étais magané ben raide à cause de tout ce que t’avais vu sur la route, c’était juste pas une option. Fait que tu serrais les dents. Ou tu te pognais des béquilles : l’alcool, la dope, les excès. Pis on en a perdu une gang. Y’ont pris toutes sortes de sorties — de leur carrière, ou de leur vie.

Les choses ont changé. Heureusement.

D’une idée folle à un projet bien réel

Kevin--
Je vais te raconter ma version de l’histoire, Marc-Étienne pourra corriger après.

Kevin--
Faut que tu comprennes un peu nos personnalités. Marc-Étienne, c’est un fonceur. Quand il a une idée, il ne pense pas aux détails — il fonce. Il dit : « Moi, je veux faire un spectacle. » Et moi je réponds : « Non Marc-Étienne, je veux pas faire de spectacle. » Ça, c’était en octobre, peut-être en 2024. J’étais convaincu que ce projet-là n’aboutirait jamais.

Marc-Étienne, il a traversé une grosse période. Il a fait une dépression après huit ans dans la police. C’est sa conjointe qui l’a poussé à aller chercher de l’aide. Et c’est une infirmière praticienne qui a fait l’arrêt de travail — ça lui a sauvé la vie. Elle lui avait dit : « Tu vas aider du monde, mais autrement. »

Un matin, il me débarque avec son idée : un spectacle bénéfice pour la Vigile. Je lui dis non. Lui, il dit oui. Il voyait ça comme sa façon de redonner aux autres. On avait déjà fait un podcast avant, ça s’appelait "Micro sur glace". C’était juste deux gars qui jasent de tout et de rien. On avait déjà un peu d’expérience.

Et là, dans ma tête, je me suis dit : je sais que Marc-Étienne est têtu, je vais finir par devoir le faire, ce spectacle. Alors j’ai eu une idée. Je me suis dit : tant qu’à faire ça, on va se bâtir une crédibilité auprès des gens. On va inviter des intervenants du milieu de l’urgence sur notre podcast, pour montrer qu’on s’intéresse vraiment à la santé mentale dans ce domaine-là.

Le matin où je lui ai lancé cette idée, Marc-Étienne a réagi tout de suite : « Ben oui, on fait ça. » Et c’est comme ça que c’est parti.

Marc-Étienne--
Pis dans le fond, c’est ça. Y’a juste une petite partie de ce que Kev a dit que je corrigerais… le reste, c’est vrai. Mais au début, je suis arrivé en lui disant : « On fait une websérie. »

Kevin--
Ah oui… mais non! Moi, dans ma tête, c’était : « Are you out of your mind? » Marc-Étienne, il lance des projets comme ça, mais il pense pas à tout le travail que ça implique. Moi, je le vois, le travail. Lui, il voit juste l’idée.

La mission derrière le micro

Marc-Étienne--
Moi, je rentre dans la forêt pis je défriche à mesure. J’y vais, même si ça me prend pas de préparation. Je vais probablement mourir après deux jours, mais je vais être content de l’avoir essayé!

Ce que je voulais, au départ, c’était une websérie. Et au fil des discussions, on ne savait pas trop où ça allait mener. Alors j’ai dit : « On va faire une grande finale à la websérie — un spectacle bénéfice. » L’idée, c’était de documenter tout ça jusqu’au spectacle, pour ramasser des fonds pour la Vigile.

Ce qui est arrivé, c’est qu’à cause de mon parcours, plusieurs policiers — surtout des policiers, parce que c’était mon ancien métier — m’ont commencé à m’écrire en privé. Ils me demandaient des conseils. Certains me disaient qu’ils avaient envie de quitter, qu’ils n’étaient plus heureux. Et on s’entend, c’est une job stable, avec un bon fonds de pension.

Des fois, c’étaient même leurs blondes ou leurs conjoints qui m’écrivaient pour me demander : « Comment t’as fait? » À un moment donné, j’aidais une personne à la fois, du mieux que je pouvais. Mais j’ai aussi mes limites. Je ne suis pas un professionnel en santé mentale. Je réfère beaucoup, je redirige vers des ressources, mais je peux pas faire du one-on-one tout le temps, comme ça.

J’ai une job, j’ai une vie aussi. C’est pas ça, mon métier. Par contre, ce que je peux faire, c’est offrir de la visibilité à ces enjeux-là. Et je me suis rappelé ce que l’infirmière praticienne qui m’a sauvé la vie m’avait dit. Des années plus tard, je me suis rendu compte qu’elle avait vu en moi quelque chose que moi-même, je ne voyais pas encore : la capacité d’aider les autres qui sont dans la même situation, ou qui l’ont été.

C’est resté avec moi. Un jour, dans un meeting avec Kevin, j’ai ressorti ça. L’idée de "Micro sur glace" est née : on allait se bâtir une crédibilité, puis aider du monde pour vrai. Et pas une personne à la fois. Ce podcast-là, on ne s’est jamais dit que ça allait devenir super populaire. On n’en avait aucune idée. Mais on s’est dit que si ça résonnait avec quelques personnes, ce serait déjà plus qu’une seule. Et juste ça, pour moi, ça donnait un sens à tout.

C’était mon “X”. J’étais exactement à la bonne place dans ma vie.

Finalement, on a laissé tomber l’idée de la websérie, parce que je me suis rendu compte que c’était trop gros. Organiser un spectacle d’envergure comme celui-là, c’est déjà un méchant défi. Ça demande énormément de temps et d’argent.

Kevin--
C’est pratiquement du temps plein. On est là-dessus à fond.

Marc-Étienne--
Oui, presque. Moi, je suis aussi courtier immobilier, c’est ça qui me fait vivre. J’ai déjà beaucoup de choses sur la table. Et ce spectacle-là, pour moi, c’est la somme de tout ce que je suis. C’est ce qu’on veut faire pour aider notre prochain.

J’en parle dans mon numéro d’humour. Mais je le porte comme un fardeau — celui que m’a transmis cette infirmière praticienne. Elle m’a dit : « Toi, t’as ce qu’il faut pour aider les autres. » Et je pense qu’elle avait raison.

Je pense qu’elle avait raison. Et… elle est décédée. Ce que je fais maintenant, c’est ma façon à moi de lui redonner ce qu’elle m’a donné. Parce qu’elle m’a sauvé la vie.

Hal--
C’est… c’est pas mal lourd.

Marc-Étienne:
Ouais, ouais.

De l’intime au public: le poids de la reconnaissance

Hal--
Tu sais, pour moi, j’ai toujours cru que j’avais quitté cette carrière sain et sauf. Mon dernier souvenir sur le terrain, c’est un 15 décembre ca fait quelques années maintenant. Et j’ai commencé la thérapie le 15 janvier, en réalisant que… wow, j’avais des cauchemars toutes les nuits. Et ça, c’est pas normal. Je suis sûr que vous avez vécu ça aussi, ou que vous êtes encore dedans. La PTSD, c’est… c’est un cadeau à vie. On reste toujours en mode survie, en mode coping. C’est pour ça que j’aime le podcast. C’est la première fois que j’entends des gens qui ont vécu les mêmes choses que moi.

Marc-Étienne:
Je pense que c’est exactement ça. Je pense que, justement, on se sent souvent seuls là-dedans. Et en réalité, on réalise qu’il y a beaucoup de monde qui vivent la même chose. Je sais pas si t’as vu le post que j’ai écrit sur la police, mais je pense que de réaliser qu’on n’est pas seul, que la gang, c’est moins lourd quand on la partage… ça fait du bien. Ça fait vraiment du bien.

Je reçois tellement de messages à ce sujet-là, tout le temps. Et je me dis : « OK, peut-être qu’elle avait raison. » Cette infirmière-là… C’est Sophie Charland. Je sais que personne ne la connaît, mais c’était une des premières infirmières praticiennes au Québec. C’est elle qui a fait connaître ce métier-là. Une vraie pionnière. Une workaholic. Une fonceuse. Probablement un peu TDAH aussi, comme moi. Je pense qu’elle m’a vu aller, qu’elle s’est reconnue, et qu’elle s’est dit : « Ce gars-là peut faire quelque chose. »

Et j’ai pas encore fait mon deuil. C’est pour ça que je deviens émotif en en parlant.

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J’aimerais te dire que c’est à ce moment précis que l’esprit de l’infirmière décédée est entré dans la conversation… mais je mentirais, parce que j’suis pas mal sûr qu’elle était là depuis le début. Alors Sophie, si tu lis ceci, sache que tu fais vraiment partie de l’équipe.

Spiritualité et synchronicité

Kevin:
Je sais pas si c’est spirituel, mais… on a l’impression, tu sais…

Hal:
Mais vous le savez. Si vous travaillez dans le domaine de l’urgence, vous devenez forcément un peu spirituel. On finit par se poser des questions. Est-ce qu’il y a un Dieu? J’en ai aucune idée. Mais est-ce qu’il y a des esprits, des âmes? Là-dessus, j’ai aucun doute.

Marc-Étienne:
Oui, il y a quelque chose, c’est sûr. Moi aussi, je suis là-dedans. Je ne suis pas croyant dans le sens religieux, surtout pas dans le christianisme — pour moi, c’est quelque chose qu’on nous a imposé quand on était jeunes. Ça n’a plus vraiment de valeur à mes yeux. Mais clairement, je crois qu’il y a quelque chose de plus grand.

Kevin:
Parce que sinon, on serait fous de croire que Sophie ne nous a pas donné un petit coup de main dernièrement.

Marc-Étienne:
100 %. Et j’espère qu’elle voit ce que je suis en train de faire. C’est peut-être niaiseux, mais je le fais pour elle en premier. Parce que… je me sens obligé. Je le fais pour elle. Et je sais que c’est la bonne chose à faire. Je sais que ça va aider plein de monde. Et c’est ça qu’elle voulait que je fasse. Je pense qu’elle serait fière.

Hal:
Votre première idée de faire un spectacle… dans votre tête, c’était quoi exactement? Parce que là, c’est devenu un gros ostie de spectacle.

Marc-Étienne:
C’est énorme, ouais. C’est fou.

Hal:
Mais je suis curieux : au départ, vous pensiez que ça se ferait comment? Un petit show dans un sous-sol? Des petites dates ici et là?

Kevin:
On est passés de zéro à cent. Mais ce que tu viens de nous dire, Hal, moi pis Marc-Étienne, on va s’en rappeler longtemps. Parce que oui, c’est rendu un gros ostie de spectacle.

C’est ça. Mon premier réflexe, c’était : « C’est qui ces gars-là? » Ils débarquent de nulle part… pis là, ils remplissent une salle de 640 places? What the hell?

Hal:
Exactement. Et en plus, il reste même pas un quart des billets...

Kevin:
Même pas un tiers!

Hal:
C’est ça! J’me disais : « Who are these guys? » D’où ils sortent? Comment ils ont eu cette idée? Et comment ils ont réussi à remplir toute la salle? Et le spectacle est même pas encore là — c’est en septembre!

Kevin:
Ben là, je te le dis, Hal : appelle ça spirituel si tu veux, mais on se fait aider par l’univers.

Marc-Étienne:
100 %.

Quand un post change tout

Marc-Étienne:
Le parterre s’est rempli quand même assez rapidement au début. On a eu une grosse vague de soutien de nos pairs, de notre entourage, puis aussi de nos abonnés. On a quand même des plateformes avec plusieurs abonnés qui nous suivent, donc ça a aidé.

Mais ce qui a vraiment rempli la salle, je pense, c’est mon post sur la police. Ce matin-là, je l’ai écrit, puis comme d’habitude, j’en ai parlé à Kev. C’est mon partner dans tout ça, donc je lui ai envoyé le texte et je lui ai dit : « Heille man, j’ai envie de poster ça. Qu’est-ce que t’en penses? » Et lui, il m’a répondu : « Ouais man, vas-y. C’est un bon texte. »

Il est habitué, je lui envoie plein d’affaires — des fois c’est bon, des fois non. Mais là, j’hésitais. Je voulais pas que ça ait l’air que je profitais de la semaine de la police pour me mettre de l’avant. Je voulais pas que ce soit perçu comme de l’opportunisme.

Mais en même temps, je me disais : « Je le fais pour la cause. » Toute la visibilité que ce post a eue — je m’y attendais pas du tout. Je pensais jamais que ça aurait cette portée-là. Mais je me suis dit que si ça pouvait aider la police, entre autres, ben c’était déjà ça.

Tu sais, ça touche tous les corps de métiers d’urgence. Mais malgré tout, je me sentais un peu comme une fraude. Comme un imposteur. Même si, au fond, tout ce que je voulais, c’était aider le monde.

Dans ce projet-là, on ne met pas une cenne dans nos poches. On redonne tout à la cause. Mais cette peur-là d’avoir l’air de me servir de mon passé, elle était bien présente. C’est ce que j’avais dans la tête.

Et puis je l’ai posté. Ce soir-là, j’avais une visite ou un rendez-vous, je ne me rappelle plus trop. Et une heure après avoir publié, je vais voir… et ça avait complètement explosé. Je me suis dit : « What the f*ck!? »

Ça s’est mis à se partager partout. Et encore aujourd’hui, je pense qu’on approche les 6000 partages sur Facebook. La portée de ce truc-là, c’est fou. Complètement débile.

Et à cause de ce post-là, on avait mis un lien vers le site… les gens sont allés voir, ils étaient curieux, ils ont voulu encourager la cause — et la salle s’est remplie. C’est pour ça qu’on dit qu’on s’est fait aider. Il y avait clairement quelque chose de plus grand que nous là-dedans. Oui, peut-être que le texte était bon, mais il y avait aussi une question de circonstances. Quelqu’un nous a aidés, c’est certain.

Parce que la semaine d’avant, on avait eu une discussion, moi pis Kev… pis on était découragés.

J’étais comme : « Man, tu sais, moi je suis un go-getter. J’ai l’impression que ça va jamais assez vite. » Et là, je voyais que le show était dans cinq mois...

Le show était dans cinq mois, mais la salle ne se remplissait pas assez vite. J’étais découragé. Je me disais : « Man, faut qu’on fasse quelque chose. »

On passait notre temps à chercher des stratégies : comment faire pour que les gens sachent qu’on organise ça? Parce que c’est ça le vrai problème — les gens ne le savent tout simplement pas. Il fallait trouver un moyen de leur faire savoir.

Alors on a passé des appels, rejoint du monde, contacté des syndicats. On voulait parler de la cause. On voulait aider. Et c’est là que tout est arrivé.

La semaine d’avant, on était littéralement en train de baisser les bras. On allait quand même faire le spectacle, mais je l’ai dit à Kev : « Je pense qu’on ne remplira pas la salle. » Et puis… ça a explosé. Ça a tout changé.


"C’est pu un secret pour personne : j’ai été dans police pendant 8 ans. De 23 à 31 ans, j’me suis forgé dans un monde que personne comprend vraiment.Un monde où tu vois du monde mort, tu te fais crier après chaque soir,pis tu te fais dire comment faire ta job… par du monde qui savent même pas comment vivre sur le sens du monde. Cette semaine, c’est la semaine de la police. Pis j’peux pas faire comme si ça m’laissait indifférent. C’est triste qu’au Québec, on prenne pour acquis le système qui nous permet encore de vivre avec un peu de bon sens, dans un monde qui en a pu. On est chanceux d’appeler le 9-1-1… pis que quelqu’un réponde. Quelqu’un qui va venir t’aider, même si tu viens de le traiter de cochon, de chien ou de trou de cul,pendant que tu filmes un p’tit 10 secondes d’un appel de 2 heures pour TikTok. C’est ironique que ce soit les mêmes personnes qui, en une même soirée, passent de réanimer quelqu’un à jouer à la gardienne d’adultes qui veulent pas suivre les règles. Pis quand tu pognes un ticket, au lieu d’assumer, tu décharges ta rage sur la seule personne qui essaie de t’éviter une société en décomposition. Moi, j’essaie d’apprendre à mes enfants que l’autorité, c’est pas un ennemi. C’est un cadre. Une façon de pas virer en freak show. Aujourd’hui, j’suis pu policier. Mais je sais c’est quoi vivre avec un poids, même quand t’as enlevé ta veste. Pis malgré tout, j’ai encore envie d’aider mon prochain. Ce show-là, c’est exactement ça. On donne tous les profits à La Vigile, un organisme qui aide les intervenants en uniforme. www.tetedecochon.com Parce qu’on a beau enlever l’uniforme…le poids reste. Mais à la gang… c’est ben moins lourd.

Le podcast comme thérapie collective

Hal:
Est-ce que vous avez un peu le sentiment que… vous avez vécu un trauma dans votre métier, vous avez commencé ce podcast pour mettre la lumière sur la santé mentale — un peu comme des mentors — et que maintenant, avec cette soudaine popularité… c’est comme si vous étiez dans une autre forme de trauma, mais lié à la santé mentale aussi? Un genre de… dédoublement bizarre?

Marc-Étienne:
Je vais parler pour nous deux. Parce que oui, on s’en est déjà parlé, Kevin et moi. Quand on enregistre des épisodes un peu plus "dark", un peu plus intenses, c’est sûr que ça nous ramène dans nos affaires. Et après l’enregistrement, on en parle.

Les symptômes physiques qu’on ressent, c’est qu’on est complètement drainés. Vides. On est plus dans notre tête, plus maussades. Et souvent, on compense. Genre, on va aller s’acheter des sandwichs à la crème glacée.

Kevin:
C’est fini, ça. Fini les grimaces. Mais oui, on le dit souvent à la blague : « Bon, on va aller se faire un trauma dump. » C’est comme devenu un running gag.

Tu sais, on est rendus à seize épisodes enregistrés — pas tous sortis encore — mais c’est moi qui fais les pré-entrevues. Parce que Marc-Étienne, c’est lui qui produit tout. Il travaille aussi comme courtier immobilier, donc tout l’aspect gestion du podcast — l’enregistrement, le montage, le contenu visuel — c’est lui qui s’en occupe.

Au début, j’avais pas d’expérience avec les pré-entrevues. Je prenais les gens qui se présentaient.

Et fun fact : quand tu demandes à des gens du milieu de l’urgence de venir sur un podcast… les paramédics sont les premiers à lever la main.

On était vraiment contents de recevoir Marie-Soleil en premier. En plus, on a énormément de respect pour cette profession-là. Parce qu’on le sait, statistiquement, c’est complètement fucked up de devoir travailler 35 ans ou plus dans cette job-là sans être pleinement reconnus.

Parler de trauma… avec crème glacée

Marc-Étienne:
Parce que c’est ça, le message d’espoir. C’est là que ça compte.

Kevin:
Ouais. On a reçu certaines personnes, pis après coup, on s’est dit : « Ouf, cette personne-là a encore beaucoup de chemin à faire. » Ce n’était peut-être pas le bon moment pour enregistrer un épisode.

Maintenant, je fais attention à ça dans les pré-entrevues. On apprend en le faisant. Aussi — autre leçon — on ne fait plus jamais deux épisodes dans la même journée. C’est deux traumas. À la fin de la journée, on est vidés. Et c’est beaucoup de job, en plus.

Hal:
Ouais, vous auriez presque besoin d’un thérapeute attitré après vos séances. Comme un débrief obligatoire.

Kevin:
Notre débrief, c’est… les sandwichs à la crème glacée!

Marc-Étienne:
Pas l’idéal, mettons.

Construire un spectacle, une scène à la fois

Hal:
Bon, parlons du spectacle. C’est quoi le format? Est-ce que c’est vous deux sur scène? Est-ce qu’il y a un invité mystère — que vous ne voulez sûrement pas dévoiler? Mais pouvez-vous parler un peu de la structure du show? Comment ça va se dérouler?

Marc-Étienne:
On est en train de finaliser tout ça. On a le squelette du spectacle : on sait ce qu’il va y avoir et dans quel ordre. Mais il reste à peaufiner les transitions, la musique, les supports visuels. Ça aussi, c’est nouveau pour nous. On apprend sur le tas, on défriche à mesure.

Donc, ce qu’on prévoit, c’est : premièrement, on remercie nos commanditaires — ça, ça va être intégré naturellement. Ensuite, j’entre en scène pour faire mon numéro. Je dis que c’est un numéro d’humour… et oui, c’en est un, mais c’est aussi mon parcours personnel. J’ai structuré ça comme un stand-up, avec plein de gags. J’essaie de rendre ça drôle, même si c’est un parcours assez tragique au fond.

Donc, c’est environ 10 à 15 minutes de stand-up, tout seul sur scène. Ce sera la première fois que je fais ça d’ailleurs.

Ensuite, on enchaîne avec un épisode en direct du podcast Micro sur glace, avec Hugo Girard comme invité. Ce segment durera environ 45 minutes.

Et après ça, il y aura un numéro d’humour… cette fois-ci avec nos personnages, Marcel et Jean-Pierre. Je sais pas si tu les as vus…

…Mais ces deux personnages-là sont vraiment aimés du public. Marcel et Jean-Pierre, ils viennent d’un autre temps — disons qu’ils ne sont pas tout à fait en 2025. C’est rafraîchissant, c’est drôle, ça fait du bien de les voir.

Donc ils vont venir faire un numéro d’humour avant la grande finale du spectacle, où notre humoriste mystère va monter sur scène.

J’ai oublié de le mentionner, mais il y aura une entracte pendant le spectacle. Alors en tout, ça dure environ deux heures, avec pause incluse. Et après le numéro final, on clôture le tout. That’s it.