Et si notre système préhospitalier était plus sécuritaire… pendant une grève?

Et si notre système préhospitalier était plus sécuritaire… pendant une grève?

(07-07-2025 English version follows the French)

Ça peut sembler contre-intuitif — voire provocateur — d’affirmer que le système de soins préhospitaliers d’urgence du Québec pourrait être plus sécuritaire pendant une grève. Mais en lisant attentivement la décision rendue le 4 juillet 2025 par le Tribunal administratif du travail, on comprend que c’est loin d’être farfelu.

Dans les faits, lorsque des paramédics — professionnels dévoués au plus haut point — annoncent une action de grève dans le cadre du Code du travail, ils ne cessent pas de travailler. Ils continuent plutôt à offrir tous les soins considérés essentiels, selon une entente négociée, validée, et approuvée par le Tribunal. Le résultat? Un réseau qui, pour une fois, agit sous surveillance directe et en pleine lumière.

« Considérant la nature des services en cause, la plupart des tâches accomplies par les ambulanciers sont considérées comme essentielles »¹.

Et effectivement, les paramédics continueront de répondre à tous les appels prioritaires (0 à 6), d’effectuer les interventions impromptues, de réaliser les transports interétablissements critiques, et de maintenir le service aéromédical sans interruption².

Autrement dit, pendant cette action syndicale, le système n’est pas laissé à lui-même. Il est audité.

Chaque geste posé par les paramédics a été analysé, débattu et classé. Ce qui est non essentiel est temporairement suspendu (comme l’inscription administrative à l’hôpital ou certaines tâches connexes). Mais ce qui protège la santé et la sécurité de la population est maintenu intégralement.

« La santé ou la sécurité de la population n’est pas en danger »³.

Cette validation judiciaire — exceptionnelle dans d’autres secteurs — agit comme une certification de sécurité en temps réel. Le public est mieux protégé non malgré la grève, mais grâce à l’encadrement rigoureux qu’elle impose. Un paradoxe? Pas tant que ça.

En temps normal, personne ne vérifie de manière aussi pointue qui fait quoi, comment, et selon quels standards. On tolère les délais. On accepte le manque de coordination. On ferme les yeux sur les lacunes structurelles. Mais lorsqu’une grève se prépare, chaque geste est pesé, chaque rôle défini, chaque risque anticipé.

Ce que révèle ultimement cette décision du Tribunal, c’est une vérité discrète mais puissante : lorsqu’un système est contraint d’identifier et de protéger ce qui est véritablement essentiel, il fonctionne souvent avec plus de clarté et de rigueur que dans ce qu’on appelle le quotidien normal.

Alors que le Québec amorce une vaste action syndicale dans le réseau préhospitalier, la question n’est pas de savoir si les services d’urgence vont s’effondrer — le Tribunal a confirmé qu’ils seront maintenus.

La vraie question, c’est pourquoi il faut attendre une telle secousse organisée pour qu’on examine enfin, avec autant de rigueur et de transparence, comment notre système d’urgence devrait réellement fonctionner.


Notes

  1. Tribunal administratif du travail, Décision du 4 juillet 2025, paragraphe [24] — « Considérant la nature des services en cause, la plupart des tâches accomplies par les ambulanciers sont considérées comme essentielles. »
  2. Idem, paragraphe [50] — Confirmation du traitement habituel des appels de priorité 0 à 6, des interventions impromptues et du maintien du service aéromédical.
  3. Répété à plusieurs endroits, notamment aux paragraphes [59], [65] et [68] — « La santé ou la sécurité de la population n’est pas en danger. »

What if Our Prehospital System Is Actually Safer During a Strike?

It might sound counterintuitive — even provocative — to claim that Quebec’s emergency prehospital care system could be safer during a strike. But a close reading of the July 4, 2025 ruling from the Tribunal administratif du travail suggests that’s not far-fetched.

In practice, when paramedics — among the most dedicated professionals in our public system — announce a labour action under the provisions of the Labour Code, they don’t stop working. Instead, they continue to provide all essential care, under a service agreement that is negotiated, approved, and validated by the Tribunal. The result? A system that, for once, operates under direct scrutiny and full transparency.

“Given the nature of the services in question, most of the tasks performed by paramedics are considered essential.”¹
Indeed, paramedics will continue to respond to all priority calls (0 through 6), conduct unscheduled interventions, perform critical interfacility transfers, and maintain aeromedical transport without interruption

In other words, during this labour action, the system isn’t left to drift. It’s audited.

Every task typically performed by paramedics has been examined, debated, and classified. Non-essential duties — such as administrative registration in the ER or certain ancillary responsibilities — are temporarily suspended. But anything that protects public health and safety is upheld in full.

“The health or safety of the population is not at risk,”³ the Tribunal states, repeatedly and unambiguously.

This kind of judicial oversight — rare in most sectors — acts as a real-time safety certification. The public isn’t just protected despite the labour action; it is protected because of the strict framework the action requires. A paradox? Maybe. But not an illusion.

In normal times, there is no such detailed scrutiny of who does what, when, and how. Delays are tolerated. Coordination is inconsistent. Structural flaws are ignored. But when a strike is announced, every role is weighed, every responsibility defined, and every risk anticipated.

What this Tribunal decision ultimately reveals is a quiet but powerful truth: when a system is forced to identify and safeguard what’s truly essential, it often operates with more clarity and discipline than it does in so-called normal times.

As Quebec enters this wide-reaching labour action in the prehospital sector, the question isn’t whether emergency services will fall apart — the Tribunal has ensured they won’t.

The real question is why it takes such an orchestrated disruption for us to finally examine, with real rigor and transparency, how emergency care is supposed to work.


Notes

  1. Tribunal administratif du travail, Decision dated July 4, 2025, paragraph [24] — “Considérant la nature des services en cause, la plupart des tâches accomplies par les ambulanciers sont considérées comme essentielles.”
  2. Ibid., paragraph [50] — Confirms that priority calls 0 through 6, unscheduled interventions, and aeromedical services will be handled as usual.
  3. Repeated in several sections, including paragraphs [59], [65], and [68] — “La santé ou la sécurité de la population n’est pas en danger.”