La chronique de Julie Nadeau : 1

La chronique de Julie Nadeau : 1

(04-07-2025 - English version follows the French)

Bonjour lectrices et lecteurs,

Hal m’a approchée la semaine dernière pour me demander d’écrire pour La dernière ambulance. Quel privilège pour moi de prendre part à ce projet qui, je crois, est nécessaire pour mener des actions sociales afin que les paramédics du Québec soient reconnu.e.s à leur juste valeur.

Permettez-moi d’entrée de jeu de me présenter. Je suis Julie Nadeau, travailleuse sociale. Je suis diplômée du bacc et de la maitrise en travail social de l’Université Laval en 2001. Ouais, c’est pas d’hier que je travaille avec les intervenant.e.s d’urgence car ma maitrise a porté sur le soutien social chez les policiers-patrouilleurs vivant du stress chronique au travail. En 1997, ce n’était pas tellement un sujet à l’ordre du jour; permettez-moi de vous dire.

Ma pratique professionnelle est donc, depuis ce temps, uniquement (bof presqu’uniquement si je suis honnête avec vous car parfois, je forme aussi des T.S. en intervention de crise, gestion de risque, trauma et fatigue de compassion, notamment) centrée sur l’intervention avec vous : police, pompiers, paramédics, répartiteurs, agent.e.s correctionnel.le.s et militaires.

Qu’est-ce qui m’a menée à choisir ce chemin qui, à l’époque, n’était pas encore pavé? En fait, pour être franche, je suis une « police ratée ». Ouais… plus jeune, mon plan de carrière était soit être policière (technicienne en scènes de crimes pour être juste) ou médecin légiste… Or, j’ai fini par choisir le travail social et entre vous et moi: aucun regret.

Je travaille avec les paramédics depuis bientôt 10 ans et sincèrement : je suis encore comme une petite fille dans un ToysR’us chaque fois que je suis avec vous. J’ai encore tellement à apprendre de vous au plan clinique. Ma visée n’est pas de devenir TAP mais bien de poursuivre mes apprentissages afin de mener des debriefings très centrés sur votre pratique… en parlant votre langage. Bon… suffisamment parlé de moi.

Mon apport à cette page est, je pense, de démystifier les enjeux de santé mentale liés à la pratique de votre métier. C’est ce qui m’a été proposé et c’est ce que j’aime faire : vulgariser. Je serai donc à l’écoute de vos questionnements et préoccupations, bien entendu! Ma rédaction sera faite selon les événements (commenter l’actualité paramédicale entre autres) et selon les demandes dans le cadre de mes limites professionnelles et mes connaissances.

Et d’entrée de jeu, je vous propose une petite réflexion sur le concept de « trauma » encore beaucoup trop employé à toutes les sauces. Le vocabulaire est très important, d’autant quand on fait une demande d’indemnisation en CNESST ou en assurances. Alors je me lance.

Une situation traumatique débute toujours par un événement à potentiel traumatique (ÉPT pour les intimes). Cette situation est définie par le DSM comme étant une situation qui concerne décès, blessures graves ou agression sexuelle qui est survenue ou aurait pu survenir (le fameux « passé proche »).

Cette situation peut être vécue par vous directement, vous pouvez en être témoin (notamment dans votre rôle de TAP), qui est arrivée à une personne importante pour vous ou encore via média visuel ou sonore.

Selon plusieurs auteurs, au Canada, un.e intervenant.e d’urgence en vivrait de 600 à 850 (McKay et Gravel, 2016 – mais d’autres sources environnent ce nombre) alors que la population générale moyenne en vivrait 2 ou 3. Alors quand on parle de surexposition… C’est ce que j’appelle « les scratches » sur votre disque dur.

Or ça, c’est la définition classique basée sur le DSM. Toutefois, il se peut malheureusement que celle-ci soit incomplète car on peut aussi parler d’ÉPT quand on parle de traumatismes dits relationnels. Une situation de harcèlement psychologique serait un exemple judicieux dans le cadre professionnel pour parler de trauma relationnel. La dimension physique n’est ici pas en jeu mais votre intégrité psychologique, si!

Puis, à la suite du vécu de l’ÉPT (que vous pouvez évidemment cumuler mais je me réserve le sujet de ce que j’appelle « la boite à traumas » pour une autre chronique), il se peut que votre adrénaline ait beaucoup de mal à diminuer… dans les heures suivant la survenue de l’événement. On parlera alors du trouble de stress aigu. Si votre arrêt est nécessaire car vous ne vous sentez pas apte à retourner dans la boite jaune, le diagnostic devrait être ce fameux trouble de stress aigu et non le trouble de l’adaptation (trop souvent diagnostiqué – à tort). La sensation est définie par plusieurs de mes client.e.s comme « je suis allumé.e comme un rond de poële ». Les symptômes sont souvent l’insomnie, l’irritabilité, l’intolérance et le bruxisme (grincer des dents).

Enfin, si, dans les 30 jours post-événement, vous vivez une série de symptômes (qui me vaudront une autre chronique) qui vous paralysent, vous rendent inconfortable, et bien c’est à ce moment que le trouble de stress post-traumatique pourra être diagnostiqué (par un médecin, un.e infirmière praticienne en santé mentale ou un.e psychologue). Usuellement, on ne vit pas 27 TSPT dans une carrière. On peut toutefois avoir 27 ÉPTs en carrière qui ont été plus marquants que les autres. Ces « scratches » sont certainement alors plus profondes que les autres qui figurent dans votre boite à traumas.

Bonne nouvelle : le TSPT se guérit maintenant. Je vous reviendrai avec une chronique sur les thérapies jugées efficaces pour traiter le TSPT… Chose sûre : merci la science car à mes débuts dans le monde de l’urgence, un.e intervenant.e diagnostiqué.e revenait civil.e et devait quitter le milieu.

C’est donc sur cette chronique introductive que je vous invite à m’écrire si vous avez des préoccupations particulières ou des idées de chroniques pour le futur.
Prenez soin de vous!

--Julie


Hello readers,

Last week, Hal reached out and asked if I’d be interested in writing for The Last Ambulance. What an honour it is for me to contribute to this project, which I truly believe plays an essential role in driving social change so that paramedics in Quebec are recognized and valued for the work they do.

Let me start by introducing myself. I’m Julie Nadeau, a social worker. I graduated with both a bachelor’s and a master’s degree in social work from Université Laval in 2001. So yes, it’s been a while now that I’ve been working with frontline emergency workers. In fact, my master’s thesis focused on social support among patrol officers experiencing chronic stress on the job. Back in 1997, that wasn’t exactly a trendy topic—believe me.

Since then, my professional practice has focused almost exclusively (well, almost—I do also train other social workers in crisis intervention, risk management, trauma, and compassion fatigue, among other things) on working directly with you: police officers, firefighters, paramedics, dispatchers, correctional officers, and military members.

So why did I choose this path—especially at a time when it wasn’t really paved yet? Honestly, I’m a “failed cop.” Yup. When I was younger, my career goal was either to become a police officer (specifically a crime scene tech) or a forensic pathologist. But I ended up choosing social work—and between you and me, I have zero regrets.

I’ve been working with paramedics for nearly ten years now and, truthfully, I still feel like a kid in a Toys“R”Us every time I’m with you. I still have so much to learn from you clinically. My goal isn’t to become a paramedic myself but to deepen my knowledge so I can lead debriefings that are truly grounded in your practice—speaking your language.

Alright, enough about me.

What I hope to bring to this page is a clearer understanding of the mental health challenges tied to your line of work. That’s what I’ve been invited to do here, and it’s what I love most: demystifying complex issues. I’ll be listening carefully to your questions and concerns. My writing will be shaped by current events (especially in the paramedic world) and by your requests—within the scope of my professional limits and expertise, of course.

To kick things off, I’d like to share a reflection on the term “trauma,” which still gets thrown around far too casually. Language matters—especially when we’re talking about CNESST claims or insurance coverage.

Let’s dive in.

A traumatic situation always begins with what we call a potentially traumatic event (or PTE, for short). The DSM defines this as a situation involving death, serious injury, or sexual assault—something that either happened or very nearly did (“close call”).

This situation might be experienced directly, witnessed in your role as a paramedic, affect someone close to you, or be seen/heard through media.

According to several authors, an emergency responder in Canada may experience between 600 and 850 of these events over a career (McKay and Gravel, 2016—though other sources provide similar estimates), while the general population might only experience two or three. When we talk about overexposure… that’s what I call scratches on your hard drive.

That’s the textbook DSM definition. But it may not tell the whole story. PTEs can also be relational in nature. Psychological harassment at work, for example, can also be traumatic. There might not be physical harm involved, but your psychological integrity is absolutely at stake.

After experiencing a PTE (and yes, these can accumulate over time—but I’ll save my thoughts on what I call “the trauma box” for another piece), your adrenaline might stay elevated for hours. That’s what we call acute stress disorder. If you’re unable to return to duty—say, you don’t feel ready to get back in the yellow box (the rig)—the proper diagnosis is acute stress disorder, not adjustment disorder (which, unfortunately, gets overused and misapplied). Many of my clients describe it as “feeling like the stove burner is stuck on high.” Common symptoms include insomnia, irritability, a low tolerance threshold, and bruxism (teeth grinding).

Finally, if within 30 days of the event you start experiencing a pattern of symptoms (more on those in a future column) that leave you feeling stuck, uncomfortable, and off-track, that’s when post-traumatic stress disorder—or PTSD—can be diagnosed by a physician, a mental health nurse practitioner, or a psychologist.

Usually, you won’t be diagnosed with 27 different cases of PTSD over your career. But you might accumulate 27 PTEs—some more impactful than others. The scratches they leave behind? Deeper. And they go straight into your trauma box.

The good news? PTSD can now be treated effectively. I’ll be back with a future post to talk about evidence-based therapies. What I can say for sure is: thank you, science. Because when I first started out in emergency services, a PTSD diagnosis often meant you had to leave the field and go back to “civilian” life.

With this first column, I invite you to reach out if you have specific concerns—or ideas for future topics you'd like me to explore.

Take care of yourselves,
—Julie