La tragédie de Boucherville
English version follows the French
I. Le choc immédiat
Le 28 août, sur l’autoroute 30 à Boucherville, un garçon de cinq ans et sa mère ont perdu la vie dans un accident impliquant un poids lourd. Le traumatisme de cette scène a enveloppé tous les premiers répondants : policiers, pompiers, et même les répartiteurs médicaux d’urgence qui ont pris les premiers appels affolés.
Et puis il y avait les paramédics — travaillant au cœur de l’enfer, tentant de faire une différence dans l’indicible.
« Je dirige un service ambulancier en Montérégie. Ce sont mes équipes qui ont répondu à l’appel de l’accident sur la 30 à Boucherville. D’une tristesse sans nom. »
Ce cadre supérieur raconte qu’il savait, dès les premières images télévisées, que c’était ses gens. La confirmation est tombée : huit paramédics impliqués. Certains superviseurs, d’autres en soins primaires ou avancés. Tous bouleversés.
II. Le poids invisible
À la caserne, un défusing a réuni les équipes.
« J’avais devant moi des gens d’expérience — 20 ans, 15 ans, 10 ans d’ancienneté — et aussi deux paramédics avec deux ans seulement. Ils étaient tous affectés. Je n’ai pas de mots pour décrire la scène dans la salle de débriefing… C’était d’une tristesse et d’une émotivité quasi impossible à décrire. »
Dans les discussions, les parallèles étaient insoutenables. Le garçon avait le même âge que leurs enfants, leurs neveux. Parfois même le même prénom.
« Saviez-vous qu’un paramédic, en moyenne dans sa carrière, s’expose à 700 événements à potentiel traumatique ? Un citoyen normal, dans toute sa vie, peut-être deux… »
Ce jour-là, les paramédics ont aussi dû prendre en charge des policiers et des pompiers incapables de continuer face à l’horreur.
« On devait s’occuper de tout l’monde ! Mais qui s’occupe des paramédics au Québec lorsque ça arrive ? »
III. Le silence et l’oubli
Les protocoles sont là : congés, suivi à 48 heures, débriefing après 30 jours. Mais rien n’efface les images. Pendant ce temps, le Québec parle de camions et de politique. Les paramédics, eux, poursuivent leur travail, souvent en silence, malgré des conditions précaires fixées bien loin du terrain.
« Même s’il manque d’ambulances, même s’il n’y a pas de cibles pour les appels urgents, même si les paramédics sont sous-payés, même s’ils ne peuvent pas manger et qu’ils doivent finir en TSO (temps supplementaire obligatoire)… ils vous prodigueront les meilleurs soins possible, en vous tenant la main et en vous réconfortant. »
La perte d’une mère et de son jeune garçon est une tragédie absolue, une blessure irréparable pour leur famille et leurs proches.
Les paramédics le savent mieux que quiconque : c’est ce vide-là qui reste. Mais pour ceux qui sont intervenus ce jour-là, il reste aussi des images, lourdes à porter, trop souvent oubliées dans les débats publics.
The Tragedy in Boucherville
I. The Immediate Shock
On August 28, along Highway 30 in Boucherville, a five-year-old boy and his mother lost their lives in a collision involving a transport truck.
The trauma of that scene weighed heavily on all the first responders: police officers, firefighters, and the emergency medical dispatchers who took the initial frantic calls.
And then there were the paramedics—working in the middle of hell, trying to make a difference in the unthinkable.
“I run an ambulance service in Montérégie. It was my teams who responded to the accident on Highway 30 in Boucherville. Unspeakable sadness.”
The senior manager recalls knowing, from the very first images on television, that it was his crews on that scene. The confirmation followed: eight paramedics were involved. Some were supervisors, others advanced or primary care. All were shaken to their core.
II. The Invisible Weight
At the station, a debriefing session brought the teams together.
“In front of me were people with 20, 15, 10 years of service—and two paramedics with only two years on the job. Every one of them was affected.
I don’t have words to describe what it was like in that debriefing room… It was grief and raw emotion almost beyond description.”
In their conversations, the parallels were unbearable. The boy was the same age as their own children, their nephews. ..The same first name.
“Did you know that a paramedic, on average over a career, will face 700 potentially traumatic events? A regular citizen, in their entire life—maybe two…”
That day, paramedics also had to care for police officers and firefighters who were unable to continue in the face of such horror.
“We had to take care of everyone. But who takes care of the paramedics in Quebec when this happens?”
III. Silence
The protocols exist: time off; follow-up after 48 hours; a debrief after 30 days. But nothing erases the images.
Meanwhile, Quebec talks about trucks and politics. Paramedics carry on with their work, often in silence, under precarious conditions decided far from the field.
“Even if there aren’t enough ambulances, even if there are no response-time targets, even if paramedics are underpaid, even if they can’t eat and are forced to finish on mandatory overtime… they will still give you the best care possible, holding your hand and offering comfort.”
The loss of a mother and her young son is an absolute tragedy, an irreparable wound for their family and loved ones.
Paramedics know this better than anyone: it’s that emptiness that remains. For those who responded that day, there are also images and emotions—heavy to carry and often forgotten in the public debates which come in the wake of tragedies.