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Les mauvaises questions

Les mauvaises questions

(English version follows the French)

(09-26-2024)

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Video: Avril 2023, Assemblée nationale, Christian Dubé, le ministre de la Santé répond à une question du député péquiste Joël Arsenau.

L’un des problèmes avec notre ministre de la Santé qui adopte et défend un délai de réponse moyen de 9 minutes pour les urgences les plus critiques, c'est que les données ne soutiennent pas ses affirmations. 

Dans un courriel interne du MSSS daté du 1er mars 2024, Paul Levesque, directeur des soins préhospitaliers d'urgence pour le Québec, rapportait que dans les 10 plus grandes villes de la province, le délai de réponse moyen était de 11 minutes 39 secondes. Dans les zones semi-rurales comptant entre 2 500 et 15 000 habitants, le délai de réponse moyen était de 14 minutes 23 secondes, et dans les zones rurales de moins de 2 500 habitants, il était de 19 minutes. 

Mais il y a un problème encore plus profond avec le fait de s'accrocher au mythe du délai de réponse de 9 minutes. 

Ça commencé en 1979 avec une étude qui concluait que si une personne en arrêt cardio-respiratoire recevait une RCR de haute qualité dans les 4 minutes et des soins « définitifs » dans les 8 minutes, 43 % des patients survivaient. Si l'un ou l'autre de ces délais était dépassé, les chances de survie diminuaient de façon dramatique. Les soins définitifs faisaient référence à la défibrillation, car en 1979, seuls les ambulanciers utilisaient un défibrillateur. Maintenant, n'importe qui ayant accès à un défibrillateur externe automatisé peut prodiguer ces soins qui sauvent des vies.

Les 8 minutes sont devenues « en dedans de 8 minutes », ce qui s'est ensuite transformé en 8 minutes 59 secondes, et comme c'était plus facile à comprendre et à dire, les 8 minutes 59 secondes sont devenues 9 minutes.

« La plupart des systèmes de services médicaux d’urgence (SMU) n’ont pas été conçus. Ils ont évolué – et tous les éléments que l’on croyait basés sur la science ont depuis été réfutés. Il y a une raison pour laquelle plusieurs systèmes SMU continuent d'embrasser le mythe des 9 minutes. Parce que c'est la seule mesure du SMU qui est facile à calculer », explique Matt Zavadsky, consultant en systèmes SMU et vice-président de PWW|AG.

« Il faut commencer à mesurer ce qui compte vraiment », a dit Zavadsky, qui est l'un des co-auteurs d'un énoncé de position commune sur les mesures de performance des SMU au-delà du temps de réponse. « Le temps de réponse n'est pas une mesure de qualité. Les systèmes SMU devraient être évalués selon ce qui compte – les résultats cliniques, le coût de la prestation des services et l'expérience des patients. » 

« Les domaines que les communautés devraient considérer lors de l’évaluation d’un système/organisme SMU sont :

•  Efficace : Est-ce que les soins de santé fournis sont cliniquement appropriés et de haute qualité?

•  Sécuritaire : Les services sont-ils fournis de manière à être cliniquement et opérationnellement sécuritaires pour les patients, les intervenants et la communauté?

•  Satisfaisant : Comment les patients et les cliniciens SMU perçoivent-ils le service fourni?

•  Équitable : Le système offre-t-il des soins équitables en fonction de la démographie des patients et de la géographie du territoire desservi?

•  Efficace : Le service est-il fourni de manière à maximiser l’utilisation des ressources économiques et opérationnelles?

Lorsque possible, des mesures de performance fondées sur des preuves devraient être utilisées, mesures qui sont associées à une amélioration des résultats pour les patients et des performances du système. » – Énoncé de position commune sur les mesures de performance des SMU au-delà du temps de réponse. 


Personnellement, j'aimerais pouvoir accéder aux indicateurs suivants sur le tableau de bord de la santé du Québec :

Réponse aux urgences spécifiques (taux de ROSC pour arrêt cardiaque)

Indicateur clé : Taux de retour de la circulation spontanée (ROSC) pour les patients en arrêt cardiaque.

Rationale : Pour les patients en arrêt cardiaque, le pourcentage de cas où le personnel SMU restaure un battement de cœur (ROSC) est une mesure cruciale de l’efficacité des soins préhospitaliers. Le résultat ultime est de savoir si le patient survit avec des fonctions neurologiques intactes, mais les taux de ROSC offrent un indicateur précoce.

Morbidité des patients (réduction des complications)

Indicateur clé : Réduction des taux de morbidité ou des complications après des interventions d’urgence, telles que la réduction du risque d’invalidité à long terme ou des complications secondaires.

Rationale : Cet indicateur de performance clé (KPI) évalue non seulement si les patients survivent, mais aussi s’ils évitent des complications importantes, telles que des dommages neurologiques après un AVC ou des infections après un traumatisme, qui pourraient affecter leur qualité de vie.

Temps d’intervention pour des conditions spécifiques (STEMI, AVC)

Indicateur clé : Temps écoulé entre le premier contact médical (arrivée des SMU) et l’intervention, par exemple :

Pour un STEMI (infarctus), le temps jusqu’à l’angioplastie (temps porte-ballon).

Pour un AVC, le temps jusqu’au traitement thrombolytique (temps porte-aiguille).

Rationale : Cet indicateur garantit que les soins pour des conditions critiques sont à la fois rapides et efficaces. Il met l’accent non seulement sur le temps de réponse, mais aussi sur la rapidité avec laquelle le patient reçoit le traitement spécifique dont il a besoin.

Résultats neurologiques (pour conditions spécifiques)

Indicateur clé : Résultats neurologiques pour des conditions telles que l’AVC ou les traumatismes crâniens.

Rationale : Mesurer la récupération neurologique des patients peut être un indicateur clé de la qualité des services d’urgence. Par exemple, pour les patients ayant subi un AVC, l’accent pourrait être mis sur le pourcentage de ceux qui retrouvent une indépendance fonctionnelle après 3 à 6 mois.

Efficacité de la gestion de la douleur

Indicateur clé : Scores de douleur rapportés par les patients avant et après le traitement SMU.

Rationale : Fournir un soulagement de la douleur en temps opportun et de manière efficace est un aspect important des soins de qualité. Mesurer l’efficacité de la gestion de la douleur sur le terrain pourrait servir d’indicateur de qualité, en particulier pour les patients traumatisés ou cardiaques.

Satisfaction des patients (résultats rapportés par les patients)

Indicateur clé : Scores de satisfaction des patients ou résultats rapportés par les patients (p. ex., expérience avec les soins SMU, perception de la qualité des soins et de la communication).

Rationale : Cet indicateur mesure la perspective du patient sur la qualité des soins reçus, y compris la façon dont ils ont été traités par le personnel SMU, la clarté de la communication et leur expérience globale avec les services médicaux d’urgence.

Pourcentage d’interventions réussies sur le terrain

Indicateur clé : Taux de réussite des interventions sur le terrain, telles que l’intubation, la RCR ou l’administration de médicaments.

Rationale : Cet indicateur mesure l’efficacité avec laquelle le personnel SMU réalise des interventions vitales sur place, contribuant directement à de meilleurs résultats pour les patients.

Taux de réadmission aux SMU

Indicateur clé : Pourcentage de patients nécessitant à nouveau les services SMU dans un court délai (p. ex., 72 heures ou 30 jours).

Rationale : Cet indicateur mesure la qualité des soins en évaluant combien de patients nécessitent des services SMU répétés après le traitement initial. Un taux de réadmission plus bas pourrait indiquer une meilleure qualité des soins et une stabilisation lors du premier contact.

Sécurité des interventions

% des réponses et transports utilisant les feux et sirènes (L&S).

Taux d’accidents par 100 000 miles.

Blessures liées au travail par 100 000 heures travaillées.

Maladies liées au travail par 100 000 heures travaillées.


Si tu poses les mauvaises questions, tu vas obtenir les mauvaises réponses.

Si la seule chose qu'on mesure est le temps qu'il faut pour que les ambulances atteignent la scène d'une urgence (et n'oublions pas qu'on ne suit toujours pas le temps qu'il faut pour atteindre le patient) et le temps que l'ambulance reste à l'urgence avant de retourner en service, on pourrait aussi bien admettre l'évidence.

Ce n'est pas un système de soins préhospitaliers d'urgence, mais plutôt un service de taxi avec des véhicules inhabituels.


The wrong questions

One of the problems with our Health Minister embracing and defending an average ambulance response time of 9-minutes for the most critical emergencies is that the data doesn’t support his assertions.

In a March 1, 2024, internal MSSS email from Paul Levesque, the director of emergency prehospital care for Québec reported that for the 10 largest cities in the province the average response time was 11 minutes 39 seconds, for semi-rural zones with 2500 to 15000 residents the average response time was 14 minutes 23 seconds, and for rural zones with less than 2500 residents the average response time was 19 minutes.

But there’s a deeper problem with holding on to the 9-minute response time myth.

It began in 1979 with a study that concluded if someone in cardio-respiratory arrest received high-quality CPR within 4 minutes and ‘definitive’ care within 8 minutes, 43% of patients survived. If either time was exceeded, the chances of survival fell dramatically. Definitive care referred to defibrillation because, in 1979, the only people who use a defibrillator were paramedics. Now anyone with access to an automated external defibrillator can deliver that lifesaving care.

8 minutes became ‘within 8 minutes’ which eventually morphed into 8 minutes and 59 seconds – and because it’s easier to grasp and rolls right off the tongue, 8 minutes 59 seconds became 9 minutes.

“Most EMS systems weren’t designed. They evolved – and all the elements we thought were based in science have since been disproved. There’s a reason why many EMS systems continue to embrace the 9-minute myth. Because it’s the only EMS metric that’s easy to measure,” said Matt Zavadsky, an EMS systems consultant and Vice-President of PWW|AG.

“We need to begin to measure things that matter,” said Zavadsky, who is one of the co-authors of a joint position statement on EMS Performance Measures Beyond Response Times. “Response time is not a quality measure. EMS systems should be evaluated on what matters – clinical outcomes, cost of service delivery, and patient experience.”

“The domains that communities should consider when evaluating an EMS system/agency are:
Effective: Is the health care provided clinically appropriate and high quality?
Safe: Are services being provided in a way that is clinically and operationally safe for patients, responders, and the community?
Satisfying: How do patients and EMS clinicians feel about the service being provided?
Equitable: Is the system providing care that is equitable based on patient demographics and service area geography?
Efficient: Is this service being provided in a way that maximizes the use of economic and operational resources?
Whenever feasible, evidence-based performance measures should be used that are associated with improved patient outcomes and system performance.” - Joint Position Statement on EMS Performance Measures Beyond Response Times.

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Personally, I’d like to be able to access the following metrics on Québec’s health dashboard.

Response to Specific Emergencies (Cardiac Arrest ROSC Rates)

Key Metric: Return of spontaneous circulation (ROSC) rates for cardiac arrest patients.
Rationale: For patients experiencing cardiac arrest, the percentage of cases in which EMS personnel restore a heartbeat (ROSC) is a critical measure of the effectiveness of pre-hospital care. The ultimate outcome is whether the patient survives neurologically intact, but ROSC rates provide an early indicator.

Patient Morbidity (Reduction in Complications)

Key Metric: Reduction in morbidity rates or complications following emergency interventions, such as reducing the risk of long-term disability or secondary complications.
Rationale: This key performance indicator (KPI) assesses not just whether patients survive, but whether they avoid significant complications, such as neurological damage after a stroke or infections after trauma, that could negatively affect their quality of life.

Time to Intervention for Specific Conditions (STEMI, Stroke)

Key Metric: Time from first medical contact (EMS arrival) to intervention, such as:
For STEMI (heart attack), time to balloon angioplasty (door-to-balloon time)
For stroke, time to clot-dissolving therapy (door-to-needle time).
Rationale: This metric ensures that care for critical conditions is both rapid and effective. It shifts the focus from mere response time to how quickly the patient gets the specific treatment they need.

Neurological Outcomes (for specific conditions)

Key Metric: Neurological outcomes for conditions like stroke or traumatic brain injury.
Rationale: Measuring how well patients recover neurologically can be a key indicator of quality in emergency services. For example, for stroke patients, the focus could be on the percentage who return to functional independence after 3-6 months.

Pain Management Effectiveness

Key Metric: Patient-reported pain scores before and after EMS treatment.
Rationale: Providing timely and effective pain relief is an important aspect of quality care. Measuring how well pain is managed in the field could serve as a quality indicator, particularly for trauma or cardiac patients.

Patient Satisfaction (Patient-Reported Outcomes)

Key Metric: Patient satisfaction scores or patient-reported outcomes (e.g., experience with EMS care, perceived quality of care, and communication).
Rationale: This KPI measures the patient’s perspective on the quality of care received, including how they were treated by EMS personnel, clarity of communication, and their overall experience with emergency medical services.

Percentage of Successful Field Interventions

Key Metric: Success rates of field interventions, such as intubation, CPR, or medication administration.
Rationale: This measures how effectively EMS personnel perform life-saving interventions on-site, contributing directly to better patient outcomes.

EMS Readmission Rate

Key Metric: Percentage of patients who require EMS services again within a short time frame (e.g., 72 hours or 30 days).
Rationale: This KPI measures the quality of care by assessing how many patients need repeat EMS services after initial treatment. A lower readmission rate could indicate better care quality and stabilization during the first contact.

Safety of Response

% of responses and transports using lights and siren (L&S).
Crash rate/100,000 miles.
Job-related injuries/100,000 hours worked.
Job-related illness/100,000 hours worked.


If you ask the wrong questions, you’re going to get the wrong answers.

If the only things we’re measuring is how long it takes for ambulances to reach the scene of an emergency (remember, we’re still not tracking the time it takes to reach the patient) and how long the ambulance remains at an ER before returning to service, we might as well admit the obvious.

This isn’t an emergency prehospital care system so much as a taxi service with unusual vehicles.