Mère, paramédic et oubliée du système

(11-05-2025 - English version follows the French)
En ce dimanche de la fête des Mères, les réseaux sociaux débordent de messages d’amour, de reconnaissance et de gratitude envers celles qui sauvent des vies tout en élevant la leur. « Merci aux mamans paramédics pour votre dévouement », « Une pensée spéciale pour celles qui sont en uniforme aujourd’hui ».
Ces messages sont sincères. Et c’est déjà beaucoup. Mais ce serait encore plus fort si le système y répondait autrement que par des mots.
Parce qu’en dehors des jolis mots, rien ne change. On félicite les mères paramédics pour leur résilience, leur capacité à tout porter, à conjuguer le quart de nuit et le souper familial. Mais on ne leur offre aucun des leviers qui permettraient de mieux équilibrer vie professionnelle et maternité. Aucun plan. Aucune initiative concrète. Aucun pas vers une reconnaissance structurelle de leurs réalités.
Où sont les garderies sur place, adaptées aux horaires atypiques ?
Dans le réseau de la santé au sens large, certaines institutions ont compris. Des hôpitaux ont mis en place des services de garde en horaires étendus. Certaines cliniques ou entreprises offrent des crédits de garde, des horaires flexibles, ou même du soutien pour les aidantes naturelles.
Mais dans le monde des soins préhospitaliers d’urgence ? Hmmm.
Pas de CPE ouverts à 6 h pour permettre aux mères de se rendre à leur poste avant la commencement d'horaire. Pas de halte-garderie sur les sites de poste de paramédics. Pas d’incitatifs pour adapter les horaires en fonction des besoins parentaux. Pourtant, qui mieux qu’une organisation d’intervention d’urgence comprend les horaires hors normes et les imprévus ?
Aujourd’hui, une mère paramédic qui veut concilier sa vie familiale avec sa vocation doit faire preuve d’un acrobatisme quotidien. Elle dépend souvent d’un réseau informel de grands-parents, de voisines, d’échanges de quarts et de demi-journées de congé. Et lorsque ce réseau s’effondre—maladie, grève scolaire, séparation—elle paie le prix fort. En culpabilité. En fatigue. En instabilité.
L’envers du dévouement
On célèbre souvent ces femmes comme des héroïnes. On leur dit : « Vous êtes incroyables ! » Mais on oublie que ce qu’on appelle « héroïsme », c’est souvent juste du manque de soutien déguisé. Elles ne veulent pas être des héroïnes. Elles veulent être vues. Entendues. Soutenues.
Ce n’est pas un bouquet de fleurs qui les aidera à aller chercher leur enfant à la garderie après une garde prolongée. Ce n’est pas une publication Facebook qui leur permettra de négocier un quart de travail compatible avec les horaires scolaires. Ce ne sont pas des éloges annuels qui changeront les règles qui les forcent à revenir travailler trop vite après un congé de maternité sous-payé.
Un système aveugle à sa propre dépendance
Le système dépend de ces femmes. Il repose sur leur présence constante, leur engagement, leur capacité à jongler entre deux mondes. Il sait qu’il peut compter sur elles. Mais il refuse encore de se réorganiser pour les compter avec lui.
Pourquoi n’y a-t-il pas de programme pilote de garderie en caserne ? Pourquoi ne consulte-t-on pas les paramédics mères lorsqu’on élabore les horaires ou les politiques internes ? Pourquoi ne priorise-t-on pas une politique familiale pour les services d’urgence alors qu’on est parfaitement conscient du roulement de personnel et des départs précipités causés par l’épuisement ?
Ce que plusieurs d’entre elles finissent par faire, c’est quitter. Réorienter leur carrière. Prendre un poste hors ligne, hors service, hors appel. Non pas parce qu’elles n’aiment plus le métier. Mais parce que le métier, tel qu’il est organisé, ne les aime pas en retour.
Des gestes, pas seulement des mots
Il est temps que les belles paroles soient accompagnées de décisions tangibles. Offrir un espace de halte-garderie. Réfléchir à des horaires pensés pour les parents. Bonifier les congés parentaux. Créer des tables de concertation avec les employées mères. Et surtout, reconnaître que derrière chaque uniforme, il y a une personne, souvent une femme, souvent une mère, qui mérite mieux que des remerciements une fois par an.
La fête des Mères devrait être plus qu’un moment pour dire merci. Alors en cette fête des Mères, cessons de célébrer leur capacité à s’adapter à l’inacceptable. Commençons plutôt à remettre en question ce qu’on accepte collectivement comme normal.
Ce n’est pas aux mères paramédics de toujours s’ajuster — c’est au système de changer. Et c’est à nous tous d’exiger ce changement.
Mother, Paramedic, and Forgotten by the System
On this Mother’s Day Sunday, social media is overflowing with messages of love, recognition, and gratitude for those who save lives while raising their own. “Thank you to all the paramedic moms for your dedication,” “Thinking of those on duty today.”
These messages are sincere. And that’s already something. But their impact would be so much greater if the system responded with more than just words.
Because beyond the kind gestures, nothing changes. Paramedic mothers are praised for their resilience, their ability to carry it all — to finish a night shift and still make it home for family dinner. But they aren’t given the tools to actually balance motherhood and the job. No plan. No concrete initiatives. No steps toward the structural recognition of their reality.
Where are the onsite daycares designed for irregular hours?
Some parts of the broader health system have started to understand. Certain hospitals have rolled out extended-hour childcare. Some clinics or private employers offer daycare credits, flexible schedules, or support for caregivers.
But in the world of emergency prehospital care? Not so much.
There are no CPEs (early childhood centres) opening at 6 a.m. to let mothers clock in on time. No drop-in daycare at ambulance stations. No incentives to accommodate shift schedules around parenting needs. And yet, who better than an emergency service organization to understand unpredictability and nonstandard hours?
Today, a paramedic mother who wants to combine her calling with her role at home has to perform daily acrobatics. She relies on a patchwork system of grandparents, neighbours, shift swaps, and half-days. And when that fragile web falls apart — due to illness, a school strike, or a separation — she pays the price. In guilt. In fatigue. In instability.
The Other Side of Devotion
We often celebrate these women as heroes. We tell them, “You’re amazing!” But what we call “heroism” is often just a lack of proper support – rebranded. They don’t want to be heroes. They want to be seen. Heard. Backed up.
A bouquet of flowers won’t help them pick up their child after a double shift. A Facebook post won’t help them negotiate a work schedule that matches school hours. Annual praise won’t rewrite the rules that push them back to work far too early after an underpaid maternity leave.
A System Blind to Its Own Dependence
The system depends on these women — on their continued presence, their commitment, their ability to juggle two full-time lives. It counts on them. But it still refuses to count them in.
Why isn’t there a pilot daycare program in paramedic stations? Why aren’t mothers consulted when internal policies or shift schedules are drafted? Why isn’t a family-first policy a priority in emergency services, especially when we know the high turnover and early exits caused by burnout?
Many of these women end up leaving. They redirect their careers. They take positions offline, away from emergency calls. Not because they stopped loving the job. But because the job, as it’s structured, no longer loves them back.
We Need Action, Not Just Appreciation
It’s time for kind words to be paired with tangible change. Let’s offer daycare spaces. Rethink shift planning with parents in mind. Improve parental leave. Create working groups with employee mothers. And most of all, let’s recognize that behind every uniform, there is a person — often a woman, often a mother — who deserves more than an annual thank-you.
Mother’s Day should be more than a moment of appreciation. So this year, let’s stop praising their ability to adapt to the unacceptable. Let’s start questioning why we still accept it.
It shouldn’t always be up to paramedic moms to adjust.
It’s the system that needs to change.
And it’s up to all of us to demand it.