On ne réforme plus le réseau : on accélère son épuisement.
 
    Ce qui se passe aujourd’hui avec les médecins sous la Loi 2 n’a pas commencé en médecine. La logique au cœur de cette réforme — l’idée qu’on peut forcer des professionnels de la santé à « aller plus vite » malgré un réseau saturé — a d’abord été testée auprès des paramédics du Québec.
Dans leur convention collective de 2023, ces derniers ont été soumis à des indicateurs de performance déconnectés du terrain. Chaque minute passée dans un corridor d’urgence surchargé devenait une mesure de « lenteur individuelle », plutôt qu’un symptôme d’un système engorgé.
Le poids de l’efficacité a été transféré aux travailleuses et travailleurs eux-mêmes, comme si l’on pouvait compenser des décennies de sous-capacité par des consignes d’accélération. Dans un tel contexte, exiger que les paramédics « optimisent » leur rapidité relevait davantage de l’injonction politique que de la réalité opérationnelle.
Deux ans plus tard, le constat est clair : les délais s’allongent, le roulement augmente, la détresse psychologique s’aggrave. La durée moyenne de carrière chez les nouveaux paramédics — souvent les mieux formés de leur génération — plafonne désormais autour de cinq ans avant une réorientation. Ce n’est pas soutenable. Et comment espérer recruter de nouveaux paramédics, de nouvelles infirmières, de nouveaux médecins, dans un réseau qui leur nie toute perspective d’avenir significatif ?
Plutôt que de reconnaître cet échec — une tentative ratée de générer de l’efficacité par la pression plutôt que par l’investissement — le gouvernement reproduit maintenant ce modèle. La Loi 2 ne vise pas les paramédics ; elle vise les médecins. Mais la philosophie demeure la même : performance par décret, responsabilisation individuelle pour des blocages structurels, et transfert silencieux du fardeau du système vers celles et ceux qui le soutiennent déjà à bout de bras.
Ce qui avait commencé comme un mécanisme discret d’austérité préhospitalière est devenu une méthode de gestion du réseau public. On ne corrige pas les défaillances du système ; on codifie leur coût humain.
-HN
 
             
             
            