« On s’étonne que tout le monde soit post-trauma »

« On s’étonne que tout le monde soit post-trauma »
« À Montréal, quand tu enchaînes des appels lourds — un code pédiatrique (un arrêt cardiorespiratoire chez un enfant) après une noyade — et que tu prends trente minutes pour te remettre, tu perds ta prime. Et après ça, on s’étonne que tout le monde soit post-trauma ! »

Jean Gagnon, représentant préhospitalier de la FSSS-CSN, parle calmement mais sans détour. Ce qu’il décrit, c’est un système qui mesure la performance en minutes plutôt qu’en jugement clinique.


1 — Les salaires : suivre le coût de la vie et reconnaître le vrai travail

« D’abord, les salaires. Le secteur public a obtenu des hausses sur cinq ans ; nous, on veut au moins suivre le coût de la vie. Ça devrait couler de source.
Mais au-delà de ça, notre métier a changé. Le gouvernement nous en demande plus : référencer des patients, éviter certains transports, faire des évaluations. Nos protocoles ont évolué : on combine, on adapte, on évalue. On exerce un jugement clinique beaucoup plus large qu’avant.
Alors, on veut que ça se reflète. La dernière hausse nous a juste maintenus à flot. Ce qu’on veut maintenant, c’est une vraie augmentation qui reconnaît la réalité du terrain. »

2 — Les conditions de travail : garder la prime de charge, pas courir après le rendement

« Ensuite, les conditions de travail. Pendant la dernière convention, on a réussi à obtenir quelque chose d’unique : une prime d’intensité de travail liée au taux d’utilisation des véhicules. Dans certaines régions, c’est ce qui permet de compenser la surcharge.
Là, le gouvernement veut la remplacer par une prime au rendement. En gros : si tu passes moins de trente minutes à l’hôpital ou que tu fais plus de huit appels, tu gagnes ton cinq pour cent — ta prime de performance au chronomètre. C’est insultant.
Cette prime-là va punir ceux qui ont les appels les plus lourds. On n’est pas des robots. On veut garder la prime de charge de travail, pas une course à la performance. Si le gouvernement veut vraiment réduire la surcharge, qu’il le fasse autrement — pas avec notre argent de négo. »

3 — La retraite : partir plus tôt, avec dignité

« Notre régime de retraite, il est en santé. Il pourrait payer tout le monde jusqu’à la fin de leurs jours. Mais on s’use vite dans ce métier-là, alors on veut pouvoir partir un peu plus tôt.
Aujourd’hui, c’est fixé à 60 ans, avec des pénalités si on part avant. Mais les gens comprennent mal : partir plus tôt, ça veut juste dire que le même montant est étalé sur plus d’années. Personne ne perd d’argent.
On ne veut pas tout chambouler. Ce qu’on propose, c’est de cotiser un peu plus — travailleurs et employeurs — pour bonifier le régime et alléger les pénalités. Tous les services d’urgence devraient offrir cette possibilité-là : partir plus tôt, sans être pénalisé. »

Un système à deux vitesses

« Le gouvernement a augmenté les primes de soir et de nuit pour le secteur public, mais pas pour nous, sous prétexte qu’on n’est pas “public”. Même chose pour les fins de semaine. Depuis 1982, on se bat pour atteindre le même niveau.
Et pendant ce temps-là, les employeurs privés signent des contrats à budget garanti. Eux, leurs profits sont protégés. Le gouvernement, lui, se fout complètement de nous. »

Trois priorités, une même revendication : le respect

« Salaires d’abord, retraite ensuite, et maintien de tout ce qu’on a acquis. C’est pas compliqué : on ne demande pas la lune. On veut juste que le gouvernement reconnaisse ce qu’on fait, pour vrai. »

Les négociations se poursuivent, mais le message est clair : le respect ne se négocie pas à la pièce.

Read more