OPINION -- Pourquoi toutes les municipalités n’ont-elles pas un schéma de couverture de risques pour les services préhospitaliers d’urgence ?

English version follows the French.
13-08-2025
Au Québec, on prend la planification des risques au sérieux — du moins quand il s’agit des incendies.
Chaque municipalité, par l’entremise de sa MRC, doit produire un schéma de couverture de risques en sécurité incendie tous les dix ans. Ce n’est pas une simple recommandation : c’est la loi provinciale. Le schéma recense les dangers, évalue les probabilités et les conséquences, les classe par ordre de priorité et fixe des objectifs de service clairs : combien de casernes, quels types de camions, où doivent se trouver les équipes et en combien de temps elles doivent arriver. C’est systématique, fondé sur des données probantes et intégré à la gouvernance municipale.
On ne fait absolument rien de tel pour les services paramédicaux.
Les données que nous avons déjà — et que nous ignorons
Chaque territoire de CLSC au Québec dispose d’un portrait sociodémographique et sanitaire détaillé. Ce ne sont pas de jolies brochures promotionnelles, mais bien des profils de santé publique rigoureusement établis, qui montrent qui habite la communauté, leur âge, leur état de santé, et comment les déterminants de la santé (revenu, logement, éducation, soutien social) interagissent. Ils mettent en évidence les secteurs où les maladies chroniques sont plus fréquentes, où des aînés vivent seuls, où des enfants grandissent dans la pauvreté et où le logement est insalubre.
À cela s’ajoute l’une des meilleures cartographies de la défavorisation au Canada :
Indice de défavorisation matérielle et sociale de l’INSPQ — mis à jour, précis jusqu’au niveau du quartier.
Indice canadien de défavorisation multiple de Statistique Canada — tout aussi précis, couvrant l’instabilité résidentielle, la dépendance économique, la vulnérabilité situationnelle et la composition ethnoculturelle.
Ces outils ont été conçus pour orienter l’allocation des services de santé et des services sociaux. Aucun n’est utilisé de façon systématique pour déterminer où et comment les paramedics travaillent.
La paramédecine communautaire sans boussole
La paramédecine communautaire — l’envoi de paramedics à domicile pour effectuer des visites préventives, des suivis de maladies chroniques ou des soins après un congé de l’hôpital — est l’un des développements les plus prometteurs en soins préhospitaliers. Mais au Québec, lorsqu’elle existe, elle repose surtout sur des projets ponctuels ou dépend de budgets locaux. Il n’existe aucune directive provinciale qui dise : Bâtissez votre déploiement en fonction des quartiers ayant les plus hauts indices de défavorisation ou des données des CLSC montrant les taux les plus élevés de visites à l’urgence évitables.
À la place, on avance à l’aveugle — en organisant sans tenir compte des cartes et portraits que notre propre système de santé publique produit.
Et ce concept ne devrait pas se limiter à la paramédecine communautaire. Nous devrions examiner de près les besoins précis des communautés que nous desservons et élaborer des programmes de recherche ciblés en SPU (services préhospitaliers d’urgence) pour y répondre. Ensuite, il faudrait en évaluer les résultats, tirer des leçons des données et affiner les approches qui fonctionnent le mieux — créant ainsi un cycle d’amélioration continue fondé sur des données probantes, qui va bien au-delà des projets pilotes.
La recherche en SPU pourrait cibler les utilisateurs fréquents des services d’urgence préhospitaliers afin d’en cerner les causes profondes et de coordonner des interventions avec les services de santé et sociaux locaux. Elle pourrait examiner si certains modèles de déploiement améliorent les délais d’intervention en territoire rural ou semi-rural sans augmenter les ressources. Elle pourrait mesurer l’impact d’initiatives spécialisées — comme l’intervention en santé mentale en situation de crise ou la surveillance à domicile des maladies chroniques — sur le volume d’appels au 911 et sur les admissions hospitalières.
On pourrait aussi tester des interventions saisonnières ciblées, comme des visites de prévention lors de vagues de chaleur, de froid extrême ou de grands événements publics. Dans les secteurs où l’isolement social est élevé, on pourrait explorer des partenariats entre équipes SPU, CLSC et organismes communautaires pour créer des points de contact proactifs avant que survienne une urgence.
Ces projets pourraient être conçus, évalués et peaufinés localement — et leurs résultats partagés à l’échelle provinciale, afin que ce qui fonctionne dans une région puisse être adapté ailleurs.
Une occasion à l’échelle provinciale
Les outils existent déjà pour le faire. Les portraits de santé publique et les indices de défavorisation peuvent identifier avec précision où les interventions préhospitalières auraient le plus d’impact. Les données d’appels au 911 peuvent confirmer les tendances et aider à concevoir des horaires de service ciblés, des stratégies de proximité et des plans de déploiement.
Un plan SPU fondé sur les risques pourrait :
Superposer les cartes de défavorisation et les portraits de CLSC aux données d’appels EMS pour cibler les secteurs les plus à risque.
Fixer des cibles proactives : nombre minimal de visites de paramédecine communautaire par mois dans les secteurs prioritaires ; plans permanents d’intervention lors de vagues de chaleur, de froid intense et d’alertes de santé publique.
Ajuster la couverture ambulancière de façon dynamique : ajouter des heures ou repositionner des unités lors de périodes de pointe prévisibles pour ces secteurs.
Rendre des comptes publiquement : publier chaque trimestre un bilan démontrant si le service atteint ses objectifs de prévention et d’intervention — comme le font les services incendie.
Pourquoi c’est important
Nous avons déjà accepté — pour les incendies — que la planification fondée sur les risques sauve des vies. Nous avons déjà investi des millions pour recueillir et publier des données sur la santé et la défavorisation. Nous avons déjà démontré, dans des projets pilotes, que la paramédecine communautaire réduit les visites à l’urgence et aide les gens à rester en santé à domicile.
Ce qui manque, c’est un cadre provincial obligatoire qui dirait :
« Vous planifierez vos services d’ambulance et de paramédecine communautaire avec la même rigueur et la même précision locale que vos services incendie. Vous utiliserez les portraits de santé publique et les indices de défavorisation. Vous publierez vos résultats. »
Message aux décideurs
Si vous voulez vraiment améliorer les soins préhospitaliers sans simplement mettre plus d’ambulances sur la route, vous avez déjà les outils. Ils sont dans vos propres ministères et instituts de santé publique. Les directeurs incendie ne peuvent pas dire « on connaît notre ville » et ignorer le schéma. Les services paramédicaux ne devraient pas le faire non plus.
Si nous pouvons planifier le risque d’incendie, nous pouvons planifier le risque d’un arrêt cardiaque, d’une chute ou d’une crise d’asthme — et nous pouvons le faire dans les quartiers où ça compte le plus.
Note : Pour une excellente ressource, explorez le Géoportail de santé de l’INSPQ. Utilisez le menu en haut à gauche de la page d’accueil pour activer ou désactiver les couches — et constater à quel point l’information utile à la planification des services SPU est déjà disponible.
In Quebec, we take risk planning seriously — at least when it comes to fires.
Every municipality, through its MRC, must produce a fire safety risk coverage plan every ten years. This isn’t just a suggestion — it’s provincial law. The plan identifies hazards, evaluates probabilities and consequences, ranks them in order of priority, and sets clear service targets: how many stations, what kinds of trucks, where crews should be located, and how quickly they must arrive. It’s systematic, evidence-based, and built into municipal governance.
We do absolutely nothing like this for paramedic services.
The data we already have — and ignore
Every CLSC territory in Quebec has a detailed sociodemographic and health profile. These are not glossy promotional brochures but rigorously developed public health profiles showing who lives in the community, their age, their health status, and how the social determinants of health (income, housing, education, social support) interact. They highlight areas where chronic diseases are more common, where seniors live alone, where children grow up in poverty, and where housing is unsafe.
On top of that, we have some of the best deprivation mapping in Canada:
- INSPQ’s Material and Social Deprivation Index — regularly updated, accurate down to the neighbourhood level.
- Statistics Canada’s Canadian Index of Multiple Deprivation — equally precise, covering residential instability, economic dependency, situational vulnerability, and ethnocultural composition.
These tools were designed to guide the allocation of health and social services. None are used systematically to decide where and how paramedics work.
Community paramedicine without a compass
Community paramedicine — sending paramedics into homes for preventive visits, chronic disease follow-ups, or post-discharge care — is one of the most promising developments in prehospital care. But in Quebec, where it exists at all, it mostly relies on short-term projects or local budgets. There is no provincial directive saying: Base your deployment on the neighbourhoods with the highest deprivation scores or on CLSC data showing the highest rates of avoidable ER use.
Instead, we operate blindly — designing coverage and community-paramedicine schedules without using the very maps and profiles our own public health system produces.
And this concept shouldn’t be limited to community paramedicine. We should be looking closely at the specific needs of the communities we serve and developing targeted EMS research programs to address those needs. Then we should evaluate the results, learn from the data, and refine the approaches that work best — creating a cycle of evidence-based improvement that goes far beyond pilot projects.
EMS research could focus on frequent EMS users to identify root causes and coordinate interventions with local health and social services. It could examine whether certain deployment models improve response times in rural or semi-rural areas without increasing resources. It could measure the impact of specialized initiatives — such as crisis mental health interventions or at-home monitoring of chronic diseases — on 911 call volume and hospital admissions.
We could also test targeted seasonal interventions, like preventive visits during heat waves, extreme cold, or major public events. In areas with high social isolation, we could explore partnerships between EMS teams, CLSCs, and community organizations to create proactive points of contact before an emergency happens. These projects could be designed, evaluated, and fine-tuned locally — and their results shared province-wide, so that what works in one region can be adapted elsewhere.
A province-wide opportunity
The tools to do this already exist. Public health profiles and deprivation indices can pinpoint where prehospital interventions would have the greatest impact. 911 call data can confirm trends and help design targeted service schedules, outreach strategies, and deployment plans.
A risk-based EMS plan could:
- Overlay deprivation maps and CLSC profiles on EMS call data to identify the highest-risk sectors.
- Set proactive targets: minimum number of community-paramedicine visits per month in top-priority sectors; standing outreach plans for heat waves, cold snaps, and public health alerts.
- Adjust ambulance coverage dynamically: add hours or reposition units during predictable peak periods in those sectors.
- Report publicly: quarterly updates showing whether the service is meeting its prevention and response objectives — just like fire services do.
Why it matters
We’ve already accepted — for fires — that risk-based planning saves lives. We’ve already invested millions in collecting and publishing health and deprivation data. We’ve already proven, in pilot projects, that community paramedicine reduces ER visits and helps people stay healthy at home.
What’s missing
A mandatory provincial framework that says:
“You will plan your ambulance and community paramedicine services with the same rigour and local precision as your fire services. You will use public health profiles and deprivation indices. You will publish your results.”
Message to decision-makers
If you truly want to improve prehospital care without simply putting more ambulances on the road, you already have the tools. They’re in your own ministries and public health institutes. Fire chiefs can’t say “we know our town” and ignore the plan. Paramedic services shouldn’t be able to either.
If we can plan for the risk of a fire, we can plan for the risk of a cardiac arrest, a fall, or an asthma attack — and we can do it in the neighbourhoods where it matters most.
Note: For an excellent resource, explore the INSPQ Health Geoportal. Use the menu at the top left of the homepage to turn layers on and off — and see just how much information useful for EMS service planning is already available: