OPINION: Redonner de la valeur à ceux qui sauvent des vies

OPINION: Redonner de la valeur à ceux qui sauvent des vies

Hausser la tarification des transports ambulanciers, c’est investir dans les salaires, la santé mentale et la stabilité des équipes préhospitalières.


Depuis 1997, le tarif de base d’un transport ambulancier au Québec n’a pas bougé d’un cent. 125 $ pour la prise en charge, 1,75 $ du kilomètre.

Vingt-sept ans sans ajustement dans un système où tout coûte plus cher : salaires, carburant, entretien, matériel et formation.

La Vérificatrice générale du Québec (VGQ) le souligne : la part du coût moyen couverte par la tarification est passée de 36 % à 13 % entre 1996-1997 et 2023-2024. Autrement dit, près de 900 $ par appel proviennent désormais directement des fonds publics.


Le prix de l’immobilisme

En 1996-1997, la facture moyenne à l’usager était de 157 $, soit 36 % d’un coût moyen total de 433 $.

En 2023-2024, le coût moyen par transport atteint 1 214 $, dont 154 $ (13 %) à la charge de l’usager et 1 060 $ (87 %) financés par le MSSS.

Pendant ce temps, la population a vieilli : la proportion des 65 ans et plus — souvent exemptés de frais — est passée de 12 % à 21 %.

Résultat : des milliers de transports gratuits supplémentaires et un réseau paramédical qui tente de survivre à coup de compressions et de rapiéçage budgétaire.


Un tarif moderne et équitable

Le Québec devrait hausser la prise en charge à 250 $ et le tarif kilométrique à 2,50 $, avec une indexation automatique tous les deux ans.

Selon les données officielles, le coût moyen d’un transport est de 1 060 $, dont environ 138 $ (13 %) sont actuellement assumés par les usagers.

À 250 $ + 2,50 $/km (soit environ 15 km → 287,50 $), la part usager couvrirait près de 27 % du coût réel.

Même sans modifier les critères de gratuité, une telle mise à jour permettrait de dégager des revenus supplémentaires substantiels — des sommes qui pourraient enfin être réinvesties là où elles sont le plus nécessaires : dans les personnes.


Où réinvestir

L’argent supplémentaire généré par une tarification actualisée doit servir à réparer ce qui s’effrite : les conditions de travail au cœur du système.

Rémunération équitable : améliorer les salaires des paramédics et des répartiteurs médicaux d’urgence, dont la rémunération accuse toujours un retard par rapport à la complexité et à la charge émotionnelle du travail.

Conditions de travail : stabiliser les horaires, réduire la surcharge, assurer des pauses réelles et des milieux sécuritaires — des facteurs essentiels à la rétention.

Santé mentale : financer un réseau permanent de soutien psychologique et de pairs-aidants, accessible à tous les intervenants du préhospitalier.

Investir directement dans les personnes, c’est renforcer la colonne vertébrale du système.

Un paramédic qui reste, un répartiteur qui ne s’épuise pas, un milieu où l’expérience se transmet : voilà le véritable rendement d’un financement intelligent.


Une mesure de justice, pas de privatisation

Il ne s’agit pas de « faire payer les patients ». La majorité des usagers — aînés, prestataires, transferts hospitaliers — ne débourses déjà rien.

Une hausse modérée, ciblée sur ceux qui peuvent la payer, permettrait de maintenir l’accès universel tout en assurant la pérennité du service.


Agir maintenant

Le constat est limpide : la part usager a chuté de 36 % à 13 %. Et selon le Rapport annuel de gestion 2023-2024 du MSSS, les revenus totaux liés aux services ambulanciers (178 M $) couvrent à peine 18 % des coûts réels (1 000 M $) — dont seulement 27 M $ proviennent directement des particuliers.

Un gouvernement responsable ne peut pas continuer à financer le système préhospitalier d’urgence d’aujourd’hui avec les tarifs d’hier.

En fixant la prise en charge à 250 $ et le kilométrage à 2,50 $, indexés et réinvestis, le Québec moderniserait enfin une structure figée depuis une génération — et redonnerait souffle à un système qui s’asphyxie lentement depuis 1997.

Parce que mieux financer les paramédics et les répartiteurs, c’est protéger la première ligne de notre sécurité collective.

-HN


Notes:

Vérificatrice générale du Québec. Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2024-2025, chapitre 3 : « Tarifs non révisés depuis 1997 », p. 36.

« La figure 8 montre que, depuis la dernière mise à jour des tarifs en 1997, la part du coût moyen par transport assumée par la tarification a considérablement diminué, passant de 36 % à 13 % en 2023-2024, la différence étant comblée par le gouvernement du Québec. »

Figure 8 : 1996-1997 – coût moyen 433 $, facturation usager 157 $ (36 %) ; 2023-2024 – coût moyen 1 214 $, facturation usager 154 $ (13 %), financement MSSS 1 060 $ (87 %).

Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Rapport annuel de gestion 2023-2024, p. 69-70.

« Les tarifs des services préhospitaliers d’urgence n’ont pas été révisés depuis 1997. […] Les revenus de tarification 2022-2023 totalisent 178 M $ pour des coûts estimés à 1 000 M $. […] Les particuliers contribuent à hauteur de 27 M $ à l’ensemble des coûts. »

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