Quand la validation laisse un goût amer : réflexions sur le rapport du Vérificateur général du Québec

(26-05-2025 English version follows the French)
Le 9 février 2022, j’ai lancé La Dernière Ambulance avec un objectif clair : exposer les défaillances systémiques du système de soins préhospitaliers d’urgence au Québec.
Depuis, nous avons publié près de 9 300 messages sur Facebook, générant plus de 26 millions de vues. Et cette publication sera la 600e que nous diffusons dans le cadre de notre InfoLettre par abonnement.
Chaque publication visait à mettre en lumière les failles du système — les retards, le manque de ressources, et surtout, les histoires humaines derrière les chiffres.
Aujourd’hui, le rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) vient confirmer ce que nous dénonçons depuis des années. Les constats sont accablants : en septembre 2024, plus des deux tiers des municipalités québécoises, représentant près de la moitié de la population, n’avaient toujours pas accès à des services de premiers répondants. Dans ces zones, 45 % des appels jugés « très urgents » ont reçu une ambulance avec plus de 10 minutes de délai — un temps perdu qui, trop souvent, coûte la vie.
Ce rapport aurait pu être perçu comme une victoire. Mais il n’y a rien à célébrer. Juste un profond sentiment d’amertume. Car pendant qu’on écrivait, pendant qu’on sonnait l’alarme, des gens attendaient. Des familles pleuraient. Et je ne peux m’empêcher de me demander combien de vies ont été touchées — et combien auraient pu être sauvées — depuis février 2022.
Le VGQ révèle aussi que dans plusieurs régions, les ressources ambulancières sont utilisées au maximum de leur capacité, voire au-delà. Et on sait qu’à Montréal et à Québec, le taux d’utilisation dépasse largement les seuils acceptables, avec des équipes qui enchaînent les appels sans répit, dans un système constamment en surcharge.
Les paramédics sont à bout de souffle. Et chaque patient pris en charge dans ces conditions est exposé à un risque accru.
Le rapport souligne également un manque fondamental : aucune cible officielle de temps de réponse n’existe actuellement pour les appels urgents. Ailleurs au pays, ces standards existent. Ici, l’INESSS a seulement été mandaté en mai 2024 pour les développer, mais les résultats ne sont attendus qu’en 2026.
Encore deux ans d’attente. Deux ans de plus à naviguer dans un flou inacceptable.
Oui, ce rapport confirme nos craintes. Mais à quel prix? Ce que nous ressentons, c’est moins du soulagement que du deuil. Le deuil du temps perdu. Le deuil de ceux qu’on n’a pas pu aider à temps.
Ce rapport doit être un point tournant. Pas un épilogue. La Dernière Ambulance va continuer à dénoncer, à documenter, à amplifier les voix qu’on refuse trop souvent d’entendre. Parce que chaque vie compte. Parce que le changement n’a que trop tardé.
Nous devons continuer à changer la conversation et le paysage politique pour inclure le système de soins préhospitaliers d’urgence.
When Validation Leaves a Bitter Taste: Reflections on the Quebec Auditor General’s Report
On February 9, 2022, I launched The Last Ambulance with a clear mission: to expose the systemic failures of Quebec’s prehospital emergency care system.
Since then, we’ve published nearly 9,300 posts on Facebook, generating over 26 million views. And this very post will be the 600th we've published as part of our subscription-based InfoLettre.
Each post aimed to shine a light on the cracks in the system — the delays, the lack of resources, and above all, the human stories behind the numbers.
Now, the report from the Vérificateur général du Québec (VGQ) confirms what we’ve been sounding the alarm about for years. The findings are damning: as of September 2024, more than two-thirds of Quebec’s municipalities — representing nearly half the population — still had no access to first responder services. In these areas, 45% of “very urgent” calls were answered by an ambulance with a delay of more than 10 minutes — a delay that, too often, costs lives.
This report could have felt like a victory. But there is nothing to celebrate. Just a deep sense of bitterness. Because while we were writing, while we were warning, people were waiting. Families were grieving. And I can’t help but wonder how many lives were affected — and how many could have been saved — since February 2022.
The VGQ also reveals that in many regions, ambulance resources are stretched to their limits — and beyond. And we know that in Montreal and Quebec City, utilization rates far exceed acceptable thresholds, with crews responding to call after call with no reprieve, in a system that’s constantly overwhelmed.
Paramedics are exhausted. And every patient treated under these conditions is exposed to an increased risk.
The report also highlights a fundamental gap: there are currently no official response time targets for urgent calls. Elsewhere in the country, these benchmarks exist. Here, the INESSS was only mandated in May 2024 to develop them, but results are not expected until 2026.
Two more years of waiting. Two more years navigating an unacceptable fog of uncertainty.
Yes, the report confirms our worst fears. But at what cost? What we feel isn’t relief — it’s grief. Grief for the time lost. Grief for those we couldn’t help in time.
This report must be a turning point — not a conclusion. The Last Ambulance will continue to speak out, to document, to amplify the voices too often ignored. Because every life matters. And because change is already long overdue.
We must continue to change the conversation and the political landscape to include the emergency prehospital care system.