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Chronique invitée : Incompatibilité travail-famille

Chronique invitée : Incompatibilité travail-famille

La Dernière Ambulance est fière de partager avec vous une autre chronique invitée spéciale en ce week-end où nous célébrons avec nos amis et notre famille. Cette chronique porte sur la conciliation famille-travail des paramédics. Il a été écrit par une paramédic québécoise et est publié de façon anonyme pour protéger son identité. Nous attendons vos commentaires avec impatience.

-HN


Incompatibilité travail-famille

Devenir paramédic c’est affectionner communément cette aspiration d’aider son prochain et de faire la différence qui compte dans la vie des gens. Toutefois, enfiler l’uniforme vient avec un fardeau plus difficile à porter quand vient le temps de le retirer. Quand vient le temps de penser à fonder une famille, la gestion des horaires devient une logistique des plus complexe.

Lorsqu’on sort des études, on est prêt à tout pour travailler le plus possible, à n’importe quelle heure du jour, du soir ou de la nuit. D’ailleurs, le plus souvent, c’est un savant mélange de toutes ces plages horaires qui nous attend. Sans responsabilité trop importante, cet horaire peut être viable un certain temps.

Néanmoins, après quelques années à se faire miroiter l’amélioration éventuelle de nos conditions, on finit par se lasser et constater que rien ne change vraiment. C’est quand vient le temps de fonder une famille que le vrai dilemme des horaires se corse. Étant moi-même en train d’envisager ce chapitre de ma vie, j’anticipe le fait d’avoir des enfants avec beaucoup d’incertitudes et d’appréhensions. Depuis les derniers mois, je pose des questions à mes collègues, eux-mêmes déjà parents, et j’observe comment ils parviennent à conjuguer le tout. La réponse à cette question est : comme on peut.

En effet, les horaires atypiques qui s’imposent avec ce métier d’urgence amènent son lot complications pour tenter d’y arrimer la vie familiale. Plusieurs couples de paramédics et de tout métier d’urgence confondus sont contraints d’acquérir des horaires complètement inverses afin de pouvoir s’occuper de leurs jeunes enfants. Les congés en famille se font rares et ceux de couples le sont encore plus. Certains m’ont raconté avoir eu des postes opposés pendant près de 10 ans. L’un qui travaillait de 8 h à 20 h et l’autre qui faisait de 20 h à 8 h, pour être présent à la maison. Ils ne faisaient que se croiser dans le cadre de porte et se relayaient en tant que figure parentale.

Comment ce genre d’arrangement peut-être viable pour une vie de couple et de famille sur le long terme ? Cela ressemble davantage à une vie de colocataire qu’à celle d’une famille. Qu’à cela ne tienne, plusieurs paramédics ont tout de même pris ce pari : certains l’ont réussi tant bien que mal alors que d’autres, non. L’uniforme a eu le dessus sur leur vie privée.

D’autres paramédics m’ont raconté avoir complètement changé de métier, un virage à 180 degrés, afin d’acquérir de meilleures conditions de travail quant à leurs horaires. Dans la plupart des cas, il semble que c’est la femme qui fasse le changement de carrière puisqu’elle a un long congé de maternité pour cogiter sur les solutions à long terme possibles.

Constatant que les avancées dans le domaine du préhospitalier sont assez restreintes, comparativement à d’autres corps de métier d’urgence ou de la santé, elles n’ont guerre d’autres choix que d’élargir leurs recherches en dehors de la boite jaune. Délaisser une sa passion en raison des conditions entourant la profession en elle-même, c’est une décision crève-cœur pour n’importe quel paramédic. Oui, le choix est plus logique et viable pour la conciliation travail-famille, mais abandonner son premier amour engendre des marques indélébiles et laisse un gout amer en bouche.

Existe-t-il des solutions par rapport à l’amélioration de ces modalités de travail ?

Certainement. L’un des plus gros enjeux qui pourraient être réformés n’est nul autre que la gestion des garderies. Depuis quelque temps, obtenir une place en garderie est de l’ordre du mythe pour certains, et les choses se corsent davantage pour en trouver qui offrent des horaires atypiques comme de soir ou de nuit. Par exemple, pour enrayer ce problème, certains employeurs de divers domaines offrent maintenant des garderies à même le lieu de travail.

Pour les couples de paramédics, cette avancée serait colossale puisqu’elle permettrait d’enrayer l’obligation d’inverser les horaires de chacun, mais surtout, cela permettrait d’éliminer le stress des paramédics qui ne terminent pas leur quart de travail à l’heure. Pouvant être appelé à tout moment jusqu’à la dernière minute de leurs journées de travail, il n’est pas rare que les paramédics soient rappelés sur la route pour répondre à des appels, faute de véhicules disponibles. Reprendre ses enfants en retard dans les garderies traditionnelles peut générer des couts très élevés et bien des maux avec le personnel. Se faisant, si des garderies adaptées en caserne pouvaient être instaurées, toute cette gestion serait beaucoup plus saine.

En résumé, la conciliation travail-famille pour les paramédics représente un fardeau des plus laborieux. Il est inconcevable de penser que toute leur carrière, ils viennent en aide à la population en détresse et s’oublie pour faire passer leur patient avant tout le reste. Il serait plus que temps d’offrir des conditions de travail adaptées à la réalité du métier d’urgence de paramédic.

Aider son prochain quand la qualité de vie n’est pas là, c’est tout simplement utopique, point final.


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