Deux semaines. Et plus assurable.

(English version follows the French).
Pas de refus de la CNESST de ma part, mais…
C’était une journée comme les autres.
Je rentre travailler à 6 h du matin.
On est trois : ma collègue, une stagiaire en évaluation PNIC, et moi.
Peu après le début du quart, l’appel tombe : 9E01 (arrêt cardiorespiratoire) — bébé de 6 semaines.
Je regarde ma stagiaire.
— « Tu vas être correcte ? »
Dans ses yeux, une confiance totale.
— « Oui. »
Sur place, on espère toujours voir des parents paniqués avec un bébé qui pleure.
Parce qu’un bébé qui pleure, c’est un bébé vivant.
Mais pas cette fois.
Seulement une maman en détresse.
Je n’entrerai pas dans les détails.
Intervention rapide, professionnelle.
Mais malgré tout, rien à faire.
À l’hôpital, nos collègues confirment le décès.
Je retourne dans mon camion.
Père de quatre jeunes enfants — 4 ans, 3 ans, et des jumeaux d’à peine 1 an.
Les émotions montent. Et vous imaginez la suite.
Arrêt de travail. Diagnostic : choc post-traumatique.
Mon employeur, l’équipe de soutien, le doc sur place — impeccables. Rien à redire.
Et pourtant…
Quelques semaines plus tard, je magasine une assurance invalidité personnelle.
Mon courtier m’appelle :
— « Ouin… à cause de ton arrêt de deux semaines, t’es plus assurable. »
Ma gueule m’est tombée à terre.
Parce que j’ai pris deux semaines pour me remettre après avoir vu un nourrisson sans vie dans ma boîte jaune, je n’ai plus le droit de protéger ma famille ?
Aux yeux des compagnies d’assurance, je suis maintenant trop à risque.
Voilà pourquoi, parfois, on se dit qu’aux yeux de la société, on ne vaut pas tant que ça.
Note de la rédaction — La Dernière Ambulance
Ce texte est basé sur une lettre réelle reçue par La Dernière Ambulance, anonymisée et adaptée pour publication.
Chaque semaine, des paramédics, des répartiteurs médicaux d'urgence et des premiers répondants vivent des appels qui laissent des traces.
Ce témoignage nous rappelle que la détresse psychologique n’est pas seulement invisible : elle est souvent pénalisée.
Et que derrière chaque uniforme, il y a un humain qui, parfois, paie le prix fort simplement pour avoir fait son travail.
Après avoir publié ce témoignage sur notre page Facebook, on a commencé à recevoir d’autres messages.
"Pareil pour moi — non assurable parce que j’ai déjà eu un arrêt de travail pour un PTSD. Refus catégorique. Tu souhaites juste avoir assez d’heures pour le chômage maladie, parce que sans la CNESST, c’est la marde."
"Même chose pour moi : quand est venu le temps de prendre une assurance hypothécaire, on m’a dit que je ne pourrais pas avoir d’assurance-vie pour mon hypothèque à cause d’un PTSD 😠 — à réévaluer dans deux ans 🤷♀️"
Two Weeks. And Now Uninsurable.
No denial from CNESST on my end — but still.
It was just another day.
I clocked in for the 6 a.m. shift.
There were three of us that morning: my partner, a student paramedic in evaluation, and me.
Not long into the shift, the call dropped: 9E01 — cardiac arrest — six-week-old infant.
I looked at the student.
“You gonna be okay?”
Her eyes were steady.
“Yes.”
When you roll up to those calls, you always hope to see panicked parents holding a crying baby.
Because a crying baby means life.
But not this time.
Just a mother in anguish.
I won’t go into the details.
We worked fast, by the book, doing everything humanly possible.
But there was nothing left to save.
At the hospital, our colleagues confirmed the death.
I went back to my truck.
I’m the father of four young kids — four, three, and one-year-old twins.
The emotions hit hard. You can imagine the rest.
Medical leave.
Diagnosis: post-traumatic stress injury.
My employer, the peer-support team, the on-site doctor — all outstanding. No complaints.
And yet…
A few weeks later, I was shopping for a private disability insurance plan.
My broker called.
“Yeah… because of your two-week leave, you’re no longer insurable.”
My jaw dropped.
Because I took two weeks to recover after holding a lifeless infant in my yellow box, I can no longer protect my own family?
To the insurance companies, I’m now a liability.
And that’s when it hits you — how, in this society, people like us sometimes don’t seem to count for very much.
Editor’s Note — The Last Ambulance
This text is based on a real letter received by The Last Ambulance. It has been anonymized and adapted for publication.
Every week, paramedics, emergency medical dispatchers, and first responders face calls that leave lasting scars.
This account is a reminder that psychological injury is not only invisible — it’s often punished.
Behind every uniform is a human being who sometimes pays the highest price simply for doing their job.