Les pompiers n'effectueront plus de réanimation cardio-pulmonaire (RCP) dans les ambulances en mouvement à Montréal et Laval
"Nous sommes heureux de soutenir les soins cliniques tant que nos pompiers portent la ceinture de sécurité"
(2023-12-19)
Dans un développement majeur, les pompiers des Services incendie de Montréal et Laval, ainsi que les policiers de Montreal et Laval ne seront plus autorisés à effectuer la réanimation cardio-pulmonaire (RCP) dans une ambulance en mouvement à partir du 21 décembre.
La Dernière Ambulance a entendu plusieurs pompiers, tous souhaitant rester anonymes.
"Nous ne le faisons plus. Le paramédic est assis, attaché, s'occupant de la gestion des voies respiratoires, et nous, nous sommes debout en train de faire des compressions thoraciques dans une ambulance en mouvement."
"C'est quelque chose qui pose problème depuis des années et qui est devant la CNESST sans avancer. Nous avons un collègue toujours en congé après deux ans à la suite d'une blessure survenue lors d'un accident en ambulance."
"Cette consigne découle d'un accident ayant entraîné une commotion cérébrale chez un pompier qui ne peut plus revenir au service depuis 3 ans.
"Les pompiers qui assistent les paramédics devront se limiter à l'assistance respiratoire, en étant assis et attachés dans le siège. Aucun cadre législatif ne permet d'être debout dans une ambulance, malgré l'urgence d'agir. Les employeurs doivent donc prendre les mesures nécessaires pour éliminer le risque d'accident.
"Je trouve cette décision juste et surtout elle met en lumière le manque de proactivité d'Urgences-santé à fournir des équipements permettant d'éliminer les risques d'accident chez les paramedics tout en optimisant les services aux citoyens.
"Le système est déjà en train de craquer. Les coroners insistent plus que jamais sur la mise en œuvre de la RCP, et les intervenants d'urgence en assistance aux paramedics permettent au système de continuer à fonctionner sur le respirateur artificiel."
Contrairement à d'autres compagnies d'ambulances au Québec, Urgences-santé n'a pas investi dans des dispositifs LUCAS, la technologie qui effectue automatiquement la RCP sur un patient.
Paramédic et auteur Martin Viau a écrit une chronique sur ce sujet précis en juillet pour La Dernière Ambulance.
Extraits de sa chronique :
Nos protocoles indiquaient que nous devions continuer les manœuvres durant le transport. J’informai mon partenaire que j’allais bien effectuer le massage cardiaque sur le patient, mais que je le ferais assis et attaché, au meilleur de mes capacités tout en étant en sécurité. Il acquiesça. Je décris à haute voix tous mes gestes, pour que le moniteur-défibrillateur, qui enregistre vocalement la totalité de nos appels, garde la preuve. Une fois l’intervention terminée, j’ai décrit la totalité de mes gestes dans un rapport médico-légal, dont j’ai gardé copie en prévision de devoir défendre ma position. J’ai informé le syndicat de ma démarche, sachant fort bien que toutes les interventions impliquant un patient en ACR sont révisées au niveau gouvernemental.
Le temps passa, et rien n’arriva.
Jusqu’à ce que, le matin du 17 juillet 2023, on me bombarde en privé d’un lien vers un article de la Presse (« Pour vouloir bien faire, on a blessé quelqu’un sévèrement[1] », par Philippe Teisceira-Lessard).
En 2020, un pompier montréalais a été gravement blessé lorsqu’il effectuait un massage cardiaque dans une ambulance. À la suite de l’enquête sur l’affaire, la CNESST déclare :
"Effectuer un massage cardiaque debout dans une ambulance qui file à toute allure, sans être attaché, pose un danger exagéré pour ceux qui effectuent ce travail."
Tout d’abord, plusieurs accidents sont survenus par le passé, durant lesquels les paramédics manœuvrent debout sans protection ont été blessés. La CNESST n’a jamais pris position. Du côté des employeurs (et de certains syndicats), on nous référait à la Loi sur la santé et la sécurité du travail[2], chapitre S-2.1, article 13. Il faut prendre connaissance de l’article précédent (art. 12) pour saisir le flou juridique malsain qui perdure dans cette loi :
12. Un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou psychique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger.
13. Le travailleur ne peut cependant exercer le droit que lui reconnaît l’article 12 si le refus d’exécuter ce travail met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique ou psychique d’une autre personne ou si les conditions d’exécution de ce travail sont normales dans le genre de travail qu’il exerce.
Donc, pour un paramédic, ou un premier répondant (pompier, policier, etc.), on justifiait l’absence complète de mesure de protection en arguant que ces conditions de travail sont ‘normales’ pour le genre de travail exercé….
Pire encore... Depuis quelques années, des masseurs automatisés[4]qui s’installent sur le patient (et offre un massage de bien meilleure qualité qu’une personne devant travailler durant de longues minutes, en continue, debout, dans un véhicule en mouvement) se retrouvent ailleurs dans le monde, et sont déjà homologués ici. Le gouvernement du Québec refuser de financer quoi que ce soit pour permettre aux paramédics de travailler de façon sécuritaire à l’arrière d’une ambulance. Mais on exige d’eux de le faire sous menaces explicitent de renvoie (un classique qui traverse les âges et les régions administratives de la province), prétextant qu’il s’agirait carrément de refuser de soigner un patient."
Member discussion