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Combien de temps supplémentaires c'est trop ?

Combien de temps supplémentaires c'est trop ?

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J'avais entendu des histoires des paramédics travaillant trois quarts de travail consécutifs de 12 heures.

Ramasser des méga heures supplémentaires. Passer d'une ambulance à une autre quart de travail après quart de travail en milieu urbain. Lorsque le volume d'appels est élevé et que le facteur fatigue pèse lourdement sur le risque pour les paramédics, leurs partenaires, leurs patients et les communautés qu'ils desservent.

J'ai donc contacté deux entreprises d'ambulances différentes dans un tel contexte et j'ai demandé à chacune d'entre elles quel était le nombre maximum d'heures consécutives "sur la tâche" qu'un paramédic peut travailler.

"Il faut d'abord préciser que nous n'encourageons pas le cumul des heures consécutives au-delà des limites. Nous portons une attention à cela et en discutons avec nos paramédics. En revanche, les paramédics sont des adultes professionnels qui décident pour eux-mêmes. Ainsi, certains y verront un avantage financier de cumuler des heures, particulièrement pour ceux qui sont à temps partiel et voulant dès lors combler des heures pour avoir en bout de piste une paye intéressante," a déclaré David Lemelin, directeur des communications et affaires publiques, Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ).

"Sur le plan technique, il faut savoir que nous ne pouvons obliger un paramédic à cumuler plus de 14 heures consécutives contre son gré. Ça ne veut pas dire que ça n'arrive jamais qu'un paramédic dépasse les 14 heures, mais ce n'est pas une pratique que nous encourageons et nous n'y obligeons personne. La pénurie de personnel limite certes les marges de manœuvre, mais nous veillons éviter ces cumuls consécutifs importants," a déclaré Lemelin.

"Concernant le temps supplémentaire obligatoire (TSO), il faut savoir que pour la CNESST, un employé est en droit de refuser si on lui demande de travailler plus de 14 heures sur une période de 24 heures. Notre pratique est de respecter ce critère, même dans les cas où du temps supplémentaire obligatoire devrait être appliqué. Dans ce cas, nous allons fractionner les quarts de travail afin de respecter la règle prescrite. Il faut préciser que le TSO est une mesure que nous tentons d’éviter au maximum dans notre organisation. Par contre, afin d’offrir le service à la population qui est requis, il nous arrive parfois de devoir appliquer cette mesure," a déclaré Lemelin.

"En vertu des conventions collectives, c’est 16 heures le maximum pour les horaires à l’heure tandis que pour les horaires de faction, nous nous conformons évidemment aux règles de débordement de la CNESST," a déclaré Francis Brisebois, Coordonnateur, Service des communications / Relations gouvernementales, Dessercom.

"Il est possible qu’on propose aux paramédics des quarts de travail alors qu’ils ou elles n’ont pas eu 8 heures de repos entre les deux. Les paramédics peuvent refuser, et ce, sans pénalité conformément aux dispositions de la convention collective. Nous tentons de ne pas nous rapprocher des 16 heures lorsqu’on propose des débuts hâtifs ou des fins tardives. Il y a une partie que nous contrôlons peu pour le temps supplémentaire, ce sont les affectations à la fin du quart de travail émises par les CCS. Les CCS sont néanmoins sensibilisés à cette réalité et aux impacts sur les paramédics," a déclaré Brisebois.

"Dessercom n’a jamais appliqué les dispositions du temps supplémentaire obligatoire prévues aux conventions collectives, car nous connaissons pertinemment les conséquences pour les professionnel.le.s dans le réseau hospitalier public. Par conséquent, nos équipes des opérations et horaires appliquent en coulisse différentes procédures de rappel au travail à l’interne et auprès de la main-d’œuvre indépendante, parfois pendant quelques heures, avant qu’une rupture de service se produise pour la population et le réseau de la santé," a déclaré Brisebois.

J'ai demandé à la fois à Lemelin et à Brisebois, si un paramédic a travaillé plus de 16 heures consécutives "à la tâche" - que ce soit entraîné ou en temps supplémentaires obligatoires - qui est également responsable des erreurs commises en raison de la fatigue ?

"Concernant la question de la responsabilité, il faut comprendre que chaque intervention est unique et demande une analyse. Une chose est sûre, comme employeur, nous ne pouvons pas nous dégager de nos responsabilités. Cependant, dans le cas d’une faute grave (exemple : une erreur de jugement), le tout serait analysé et la possibilité de la fatigue en cause serait prise en compte," a déclaré Lemelin.

"Pour la responsabilité, nous avons des assurances et notre organisation n’a jamais tenu un paramédic responsable d’un accident en raison de la fatigue. Les paramédics, le personnel administratif et les gestionnaires sont couramment mis au courant des personnes-ressources et services mis à la disposition par Dessercom lors de situation dans la vie personnelle ou professionnelle qui empêche une présence au travail. Bref, Dessercom prône une gestion humaine de sa main-d’œuvre," conclut Brisebois.

La réalité est que les paramédics continueront à être appelés à faire des heures supplémentaires jusqu'à ce que le gouvernement du Québec reconnaisse enfin leur valeur pour le réseau de la santé et qu'on arrête de perdre des paramédics vers d'autres rôles et d'autres juridictions.

Jusqu'à ce que les causes profondes soient traitées, nous aurons des paramédics qui ont besoin de ces heures supplémentaires pour joindre les deux bouts et un système qui a besoin d'heures supplémentaires pour combler tous les trous dans l'horaire en raison de la pénurie des paramédics.

S'il semble plutôt circulaire, c'est parce qu'il l'est.

Un serpent mangeant sa queue.