L'Isle-Verte 23 janvier 2014
The english version follows the french.
Avertissement : Ce message pourrait déclencher un stress post-traumatique (SSPT).
Aujourd'hui, j'ai assisté à une cérémonie marquant le début d'un partenariat entre Wounded Warriors Canada et les Paramédics des Premières Nations, visant à améliorer le soutien en santé mentale pour le personnel des services préhospitaliers d'urgence en première ligne.
La date de l'événement d'aujourd'hui est significative.
Le 23 janvier 2014, 32 personnes sont décédées, 13 personnes ont été blessées et la vie des paramédics qui ont répondu à un incendie dans une résidence pour personnes âgées à L'Isle-Verte a été bouleversée à jamais.
Le dixième anniversaire de la tragédie à L'Isle-Verte a été couvert sous différents angles, et pourtant je n'ai vu, lu ni entendu personne parler des expériences des paramédics qui ont répondu ou de ce qui leur est arrivé depuis cette date.
Malheureusement, je peux comprendre le traumatisme vécu par les paramédics et les autres intervenants d'urgence lors de cet événement. L'un de mes premiers appels au début de ma carrière était l'accident de bus à Eastman qui a coûté la vie à 40 personnes.
Plus tard dans ma carrière, j'ai répondu à plusieurs événements impliquant de multiples victimes, soignant des patients victimes de graves brûlures et de traumatismes. Les images, les sons et les odeurs de ces expériences restent gravés dans mon esprit et sont souvent rappelés aussi vivement que lorsqu'ils se sont produits pour la première fois.
Après avoir répondu à Mississippi immédiatement après l'ouragan Katrina, j'ai réalisé que j'avais vécu une forme de SSPT car ma capacité à manger du yogourt au citron avait été à jamais affectée par cette expérience.
J'ai regardé dans le réfrigérateur. Il y avait une étagère pleine de pots de yogourt. J'ai parcouru les dates de péremption estampillées sur le dessus. J'ai choisi un pot de yogourt au citron portant la date d'hier comme date limite de consommation.
J'ai fait une pause avant d'ouvrir le contenant.
Il y avait trois possibilités.
Le yogourt pourrait sentir le yogourt au citron.
Le yogourt pourrait sentir le côté golfe de Biloxi trois jours après le passage de l'ouragan Katrina. Cette puanteur sucrée et sauvage de la mort soufflant à travers mes cheveux, le long de ma nuque et autour de mes chevilles.
Ou le yogourt pourrait sentir les jambes ruinées de Jean-Pierre Jabouille après que sa voiture Renault Turbo F1 ait heurté la clôture de sécurité lors du Grand Prix du Canada en 1980.
Et c'était étrange car je ne me souviens d'aucun feu lorsque Jabouille a été sorti des décombres. Peut-être que ses jambes avaient trempé dans le carburant pendant l'extraction. Peut-être étaient-elles des brûlures d'exposition.
En tout cas, je me suis préparé car ce étaient les possibilités. Yogourt, mort ou brûlures.
Mon esprit me jouait des tours depuis longtemps. D'une manière ou d'une autre, ces odeurs, ou les souvenirs de celles-ci, s'étaient logées dans mon cerveau et, comme de petits fragments de l'enfer, s'étaient associées librement au yogourt juste périmé.
Je me suis souvenu de la dernière fois. Je chargeais la vaisselle dans le lave-vaisselle et suis tombé sur un bol de yogourt qui avait trop longtemps séjourné au soleil sur le comptoir. Il aurait dû sentir le yogourt gâté. Au lieu de cela, ce vent de Biloxi soufflait à travers la cuisine. J'ai failli vomir dans l'évier.
L'odeur des personnes brûlées dans cet incendie cette nuit-là à L'Isle-Verte a dû remplir et recouvrir chaque millimètre carré des ambulances, des uniformes, de l'équipement, des cheveux, des nez et de la peau de chaque paramédic qui a répondu. Mon cœur va à chacun d'entre eux alors qu'ils continuent de faire face à ce qu'ils ont vécu.
Le traumatisme est le traumatisme.
Si nous voulons progresser en tant que professionnels ici au Québec, nous devons commémorer les dates d'événements qui ont marqué la vie des paramédics et qui ont changé la façon dont ils, et nous tous, évaluons les personnes qui font le choix conscient de s'approcher du danger afin de pratiquer l'art et la science des soins, et d'essayer, parfois en vain, de sauver des vies.
Avec respect pour tous ceux qui ont répondu cette nuit tragique.
- HN
Warning: This post could be a trigger for PTSD
Today I attended a ceremony marking the beginning of a partnership between Wounded Warriors Canada and First Nations Paramedics designed to improve mental health support for frontline emergency prehospital care personnel.
The date of today's event is significant.
On January 23, 2014, 32 people died, 13 people were injured and the lives of the paramedics who responded to a fire at a seniors’ residence in L’Isle-Verte were changed forever.
The tenth anniversary of the tragedy in L'Isle-Verte has been covered from many angles and yet I haven't seen or read or heard anyone talking about the experiences of the paramedics who responded or what has happened to any of them since that date.
Sadly, I can relate to the trauma experienced by the paramedics and other emergency responders at that event. One of the first calls I responded to at the start of my career was the bus crash in Eastman which claimed 40 lives.
Later in my career I responded to several multi-casualty events which involved caring for patients who suffered severe burns and trauma. The sights, sounds and smells of those experience remain engraved in my brain and are often recalled as vividly as when they first occurred.
After I responded to Mississippi in the immediate aftermath of Hurricane Katrina I only realized I had experienced a form of PTSD because my ability to eat lemon yogurt was forevever affected by the experience.
I looked into the fridge. There was a shelf full of yogurt cups. I scanned the expiration dates stenciled on the top. I picked a lemon yogurt cup sporting yesterday’s date as its best-before moment.
I paused before opening the container.
There were three possibilities.
The yogurt would smell like lemon yogurt.
The yogurt would smell like the gulfside of Biloxi three days after Hurricane Katrina had come ashore. That sickly sweet and savage stench of death as it blew through my hair, down my neck and around my ankles.
Or the yogurt would smell like the ruined legs of Jean-Pierre Jabouille after his Renault Turbo F1 car slammed into the safety fence during the 1980 Canadian Grand Prix.
And that was odd because I don't remember any fire when they pulled Jabouille out of the wreckage. Perhaps his legs had soaked in fuel during the extrication. Maybe they were exposure burns.
In any case, I readied himself because those were the possibilities. Yogurt, death or burns.
My mind had been working tricks with me for a long time. Somehow those smells – or the memories of them – had become lodged in my brain and like little fragments of hell had freely associated themselves with yogurt just past due.
I remembered the last time. I was loading dishes into the dishwasher and came across a bowl of yogurt that had stayed on the sunshine-soaked counter too long. Should have smelled like yogurt gone bad. Instead, that wind in Biloxi was blowing through the kitchen. I almost gagged in the sink.
The smell of the people burned in that fire that night L’Isle-Verte must have filled and blanketed every square millimeter of the ambulances and the uniforms and the equipment and the hair and the noses and the skin of every paramedic who responded. My heart goes out to each of them as they continue to cope with what they witnessed.
Trauma is trauma.
If we are ever going to progress as a profession here in Québec, we need to commemorate the dates of events which have marked the lives of paramedics and have changed the way they, and all of us, take stock of the people who make a conscious choice to move towards danger in order to practice the art and science of caring and try, sometimes in vain, to save lives.
With respect for all who responded that tragic night.
- HN
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